Découvrez nos réseaux sociaux
Actualités

MICROBIOTE : La « mapranose » ou comment les bactéries de l’intestin déclenchent la neurodégénérescence

Actualité publiée il y a 6 années 2 mois 2 semaines
PLoS Pathogens
L'étude, présentée dans PLoS Pathogens, décrypte les multiples interactions qui peuvent expliquer le lien entre microbiote et neurodégénération

C’est un nouveau concept qui nous est proposé et décrit par cette équipe de l’Université de Louisville sur le rôle du microbiote dans la neurodégénérescence : en substance, des bactéries commensales pourraient produire la protéine amyloïde avec changements de conformation et de repliement et favoriserait leurs aggrégats. Ces mêmes protéines commensales favoriseraient également une neuroinflammation dans le système nerveux central (SNC) par les voies du système nerveux autonome, du nerf trijumeau dans la bouche, du nasopharynx et de l'intestin (par la bouche, l’œsophage, l’estomac et les intestins), ainsi que via les récepteurs olfactifs situés au sommet du nez. Alors que des recherches de plus en plus nombreuses documentent l’axe intestin-cerveau et suggèrent que les microbes intestinaux peuvent également causer la maladie de Parkinson, d'Alzheimer et d'autres maladies neurodégénératives, cette étude, présentée dans PLoS Pathogens, décrypte les multiples interactions qui peuvent expliquer le lien entre microbiote et neurodégénérescence.

 

Le Dr Robert P. Friedland, professeur de neurologie à l'Université de Louisville et Matthew R. Chapman, professeur à l'Université du Michigan proposent ici un nouveau terme pour décrire cette interaction entre le microbiote intestinal et le cerveau.

 

La « mapranose » (mapranosis) décrit ainsi le processus par lequel les protéines amyloïdes produites par les microbes (bactéries, champignons et autres) vont modifient la structure des protéines (protéinopathies) et augmenter ainsi l'inflammation dans le système nerveux, ce qui initie ou accélère la progression des maladies cérébrales. Ce terme est dérivé de « Microbiota Associated Protepathy And Neuroinflammation + osis (le processus) ». L’idée, en donnant un nom à ce processus est de sensibiliser la communauté médicale et scientifique et donc de favoriser la recherche sur cette interaction microbiote- cerveau pour développer de nouvelles options thérapeutiques.

 

De nombreuses voies d’interaction signifie aussi de nombreuses interventions possibles sur le microbiote : « Il est essentiel de définir les façons dont les bactéries intestinales et d'autres organismes interagissent avec l'hôte pour créer une maladie, car il existe de nombreuses façons dont le microbiote peut être modifié pour influencer la santé », commente le Dr Friedland. Si l’analyse génomique révèle peu à peu toute la diversité des bactéries, virus, champignons, archées et parasites vivant dans et sur le corps, que la majorité d'entre eux vivent dans l'intestin, notre compréhension de l'axe cerveau-intestin reste limitée. On sait « seulement » que l'agglutination des protéines amyloïdes mal repliées est associée à la neurodégénérescence et à des maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson et la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Quelques études ont suggéré que des structures protéiques similaires produites par les bactéries intestinales, appelées amyloïde bactérienne, pourraient être impliquées dans l'initiation de ces processus neurodégénératifs.

 

Les amyloïdes bactériens sont produits par un large éventail de microbes qui habitent le tractus gastro-intestinal, dont la bouche. Dans une étude publiée en 2016 dans les Scientific Reports, l’équipe montrait déjà que lorsque des microbes d'E. Coli dans l'intestin de rats et de vers (nématodes) produisent des amyloïdes mal repliées, les amyloïdes produits dans le cerveau et les intestins des animaux se replient également de manière anormale. Ces nouveaux travaux suggèrent que les microbes commensaux produisent des protéines amyloïdes extracellulaires fonctionnelles, qui interagissent avec les protéines de l'hôte par l'intermédiaire d’une sorte de contagion de ce mauvais repliement ce qui déclenche la neuroinflammation dans le cerveau.

 

D'autres facteurs liés au microbiote et à ses produits participent à cette influence sur le développement des troubles neurodégénératifs :

  • le microbiote améliore les processus immunitaires dans tout le corps, y compris dans le système nerveux central ;
  • le microbiote peut induire une toxicité oxydative via la production de radicaux libres et une inflammation associée qui contribue à la neurodégénérescence ;
  • les métabolites produits par le microbiote peuvent être soit bénéfiques à la santé, soit pathogènes ;
  • la génétique de l'hôte influence les communautés du microbiote, ce qui montre que l'axe intestin-cerveau est bidirectionnel.

 

 

Ces travaux apportent ainsi déjà un certain nombre de réponses sur les processus en jeu autour de ce fameux axe intestin-cerveau. L’objectif est d’inciter à des recherches supplémentaires qui pourraient conduire à des thérapies pour ces maladies neurodégénératives, ciblant le microbiote et exploitant les différentes voies aujourd’hui identifiées (voir schéma).

Autres actualités sur le même thème