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INFECTION URINAIRE: Comment la traiter chez la personne âgée ?

Actualité publiée il y a 2 années 7 mois 2 semaines
Fiche technique

Les infections urinaires sont plus fréquentes, plus graves, plus insidieuses chez les personnes âgées. Entre 65 et 70 ans, leur incidence atteint 20 % des femmes et 3 % des hommes, après 80 ans, 23 à 50 % des femmes et 20 % des hommes. Chez les femmes âgées, on observe une fréquence importante de la bactériurie (présence de bactéries dans les urines) asymptomatique. Chez l’homme âgé, l’infection urinaire est souvent synonyme de prostatite ou infection de la prostate. Mais attention, l’infection ne justifie pas systématiquement un recours aux antibiotiques. Il existe d’autres traitements, dont une bonne hydratation, une vidange vésicale régulière et des protection adaptées et personnalisées.

Définition de l’infection urinaire :

L’infection urinaire se définit par un ECBU (L'examen cytobactériologique des urines) positif et un signe fonctionnel.

Sinon, il s'agit d'une colonisation c'est-à-dire une infection urinaire asymptomatique.


Pour parler d'ECBU positif, sans sonde urinaire à demeure, il faut :

· une bactériurie > 104/ml (104/ml à 105/ml)

· une leucocyturie (présence de leucocytes ou globules blancs) dans les urines > 104/ml

N.B. Avec sonde urinaire à demeure, la bactériurie suffit car la leucocyturie n'est pas interprétable.

Dans quel cas peut-on parler d'infection urinaire ?

En gériatrie, une somnolence inexpliquée peut être considérée comme un signe fonctionnel d'infection urinaire, en plus des signes fonctionnels connus (fièvre > 38°C, impériosité urinaire, pollakiurie, brûlures mictionnelles, douleur ou pesanteur sus-pubienne, dysurie).

Ø En résumé, les signes fonctionnels suivants chez la personne âgée peuvent être considérés comme des symptômes d'infection urinaire :

· incontinence récente,

· somnolence,

· anorexie,

· apparition ou aggravation d'une désorientation

· et/ou perte d'autonomie et dépendance (Source : Mac Geer 1990).

Le dépistage systématique de la colonisation urinaire par un ECBU est justifié :

- avant une chirurgie urologique,

- en cas de traitement par corticothérapie.

Ce dépistage n'est pas justifié systématiquement à l'arrivée à l'Hôpital, lors de l'admission en EHPAD ou chez le patient diabétique.

En médecine gériatrique habituelle, il n'y a pas d'indication d'ECBU de dépistage.

Chez le diabétique âgé, la présence d'un ECBU positif n'est pas une indication à un traitement antibiotique.

Ø L'antibiothérapie injustifiée et systématique crée des résistances aux antibiotiques. Des urines malodorantes associées à un ECBU positif, sont le fait d'une colonisation et certainement pas d'un signe fonctionnel urinaire. Cela ne nécessite pas un traitement antibiotique. De même, l'infection urinaire asymptomatique ou colonisation urinaire de la femme âgée n'est pas une indication de traitement antibiotique. De même, chez l'homme âgé, la présence d'un ECBU positif n'est pas l'indication à un traitement antibiotique. On ne traite pas un examen, mais un patient qui a des symptômes ! (Mims 1990).

On peut et on doit traiter une colonisation urinaire sans antibiotiques.

Les traitements non antibiotiques comprennent :

· L'effet « chasse d'eau » : boissons abondantes et/ou perfusion sous-cutanée nocturne (diurèse au moins à 1000 cc/j),

· une meilleure vidange vésicale :

- en menant nos ainés aux toilettes,

- par l'utilisation d'une chaise percée préférable à l'usage du bassin pour éviter le résidu post-mictionnel,

- par la pratique régulière de la marche,

- par le retrait des obstacles sur les voies urinaires (évacuation du fécalome, traitement de l'hypertrophie prostatique).

· Les traitements palliatifs, dont les protections, qui vont permettre de rétablir une qualité de vie chez les patients âgés souffrant d'infection et d'incontinence urinaires.

En cas de fièvre associée à un ECBU positif chez un sujet âgé, il ne s'agit pas toujours d'une infection urinaire. Une étude en milieu hospitalier a montré qu'une enquête étiologique bien menée retrouvait une autre explication à la fièvre dans 90 % des cas (Nicolle 1999).

Une femme âgée qui présente une incontinence urinaire récente associé à un ECBU positif est considérée comme présentant aussi une infection urinaire. Ainsi, l'apparition d'une incontinence urinaire peut être considérée comme un signe fonctionnel d'infection (Mac Geer 1990).

· Un ECBU positif avec une bactériurie multi résistante sans signe fonctionnel n'est pas considérée comme une infection urinaire.

· Mais s'il existe un ou des signes fonctionnels, il s'agit d'une infection urinaire qu'il faudrait traiter avec une bithérapie, mais raisonnablement selon le contexte.

Dans les deux cas, il y a une indication à un traitement non antibiotique et à un isolement (à l'hôpital) ou à l'utilisation de produits hydro-alcooliques (en EHPAD ou à domicile).

· Un ECBU positif avec un syndrome inflammatoire biologique sans signe fonctionnel n'est pas une indication à un traitement antibiotique.

· Mais s'il existe un ou des signes fonctionnels urinaires, il s'agit d'une indication pour un traitement antibiotique.

Dans les deux cas, il y a indication à un traitement non antibiotique associé.

· Un ECBU positif sur sonde sans signe fonctionnel urinaire n'est pas une indication à un traitement antibiotique.

· Avec signe fonctionnel urinaire, il s'agit d'une infection urinaire après confirmation sur un 2ème ECBU sur nouvelle sonde.

Dans les deux cas, il y a indication :

- à remettre en cause l'indication du sondage à demeure,

- à changer la sonde à demeure,

- à un traitement non antibiotique.

Les irrigations-lavages ou instillation d'antibiotique ne sont pas un traitement efficace de l'infection urinaire sur sonde à demeure car le biofilm est tenace. Il faut retirer ou changer la sonde à demeure.

Le sondage intermittent, comparé au sondage à demeure, expose à un risque moindre d'infection urinaire. Cela a été bien démontré chez les paraplégiques et cela est vrai aussi en gériatrie, en raison de l'absence de corps étranger intra-vésical.

Le contrôle de la stérilité des urines à 48 H et en fin de traitement n'est pas systématique en gériatrie. Le contrôle de l'ECBU n'est justifié qu'en présence de symptômes.

Le traitement antibiotique de l'infection urinaire :

L'antibiothérapie dépend du lieu de vie, du terrain, de la sévérité de l'infection : Acide clavulanique-amoxicilline, Ceftriaxone, Ofloxacine, Ciprofloxacine etc…Celle-ci doit être adaptée à la fonction rénale, adaptée à l'antibiogramme, mais rien ne vaut le traitement non antibiotique.

Pour la bactériurie asymptomatique chez la personne âgée, il est préconisé une abstention thérapeutique.

Le traitement antibiotique d'une infection urinaire chez la personne âgée se décline en fonction du contexte polypathologique ou non, de la régression du syndrome inflammatoire et de la symptomatologie.

Les durées d'antibiothérapie diffèrent pour les infections urinaires compliquées (Lutters M, Vogt N. 2008), soit :

· Chez l'homme :

- Cystite : 7 jours (pas de traitement minute)

- Pyélonéphrite : 14 jours

- Prostatite aiguë 14-28 jours

· Chez la femme :

- Cystite récidivante : 5 à 7 jours (pas de traitement minute)

- Cystite sur vessie neurogène : 15 jours

- Abcès rénal ou pararénal : 4 semaines au minimum (discuter le drainage chirurgical),

- Infection et urolithiase : durant les procédures urologiques et 15 jours après l'extraction du calcul

- Infection sur cathéter vésical : 10-15 jours (changer de cathéter en cours de traitement), traitement à prolonger en cas d'évolution non rapidement favorable et de sensibilité confirmée à l'antibiotique administré (par exemple : Triméthoprime- Sulfaméthoxazole souvent utilisé dans les infections compliquées et résistantes).

Un traitement antibiotique court diminue la pression sélective sur les micro-organismes, le risque d'effets secondaires et les coûts. De plus, il améliore l'adhésion du patient. Mais le clinicien doit être prudent lorsqu'il prescrit des traitements courts, notamment pour les patients immunodéprimés ou atteints de maladie chronique qui devraient encore bénéficier de traitements classiques.

En conclusion en gériatrie :

· Pas de recours systématique à l'ECBU,

· Qui reste à réaliser seulement en présence de signes fonctionnels urinaires.

· En cas de colonisation urinaire : pas de traitement antibiotique indiqué,

· En cas d'infection urinaire, le traitement antibiotique est indiqué.

Dans les deux cas : ne pas oublier le traitement non antibiotique+++ !

Auteur : Dr Lamia Fournis Consultation d'urodynamique Unité de Gériatrie Aiguë Hôpital Antoine-Béclère, Clamart (AP-HP)



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