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ANTIBIORÉSISTANCE : Quand les superbactéries se planquent chez des porteurs asymptomatiques

Actualité publiée il y a 1 année 4 mois 2 semaines
Nature Microbiology
La résistance aux antimicrobiens (RAM) est souvent considérée comme la prochaine menace pandémique qui pourrait submerger les systèmes de santé (Visuel Adobe Stock 330216893)

La résistance aux antimicrobiens (RAM) est souvent considérée comme la prochaine menace pandémique qui pourrait submerger les systèmes de santé dans le monde. Mieux cibler et éliminer les bactéries résistantes est donc une priorité. Cette recherche menée à l’Agency for Science, Technology and Research (A*STAR) de Singapour, révèle aujourd’hui, dans la revue Nature Microbiology, que certaines bactéries multirésistantes se cachent parmi les bactéries intestinales de porteurs humains asymptomatiques. Des découvertes qui appellent, une nouvelle fois, à un rééquilibrage, chez ces porteurs, des bactéries intestinales, afin de prévenir cette voie de transmission possible de résistance aux antibiotiques.

 

Les généticiens d'A*STAR ont découvert, précisément, que des entérobactéries productrices de carbapénèmase (CPE), des bactéries multirésistantes, se cachent parmi les communautés bactériennes intestinales, sans induire dans certains cas, aucun symptôme. Une colonisation du microbiome intestinal qui constitue une préoccupation majeure car pouvant déclencher une transmission communautaire et des infections à CPE mortelles. D’autres personnes peuvent être colonisées par ces bactéries par contact avec des surfaces contaminées ou par consommation d'aliments contaminés ; la consommation prolongée d'antibiotiques peut aussi être un facteur de risque de colonisation. Enfin, le traitement de ces infections résistantes qui implique souvent l'utilisation de plusieurs antibiotiques de dernier recours alimente l’émergence de nouvelles résistances antimicrobiennes.  

 

L’auteur principal, le Dr Patrick Tan rappelle que les CPE sont « en haut de la liste » en raison de leur capacité à transmettre leur résistance aux antibiotiques et à coloniser l'intestin humain, même en l'absence d'infection manifeste et d'utilisation d'antibiotiques.

 

L’étude qui s’est concentrée sur la colonisation intestinale des CPE, apporte, grâce à des outils génomiques avancés, des informations clés qui pourraient permettre de réduire la colonisation intestinale, de prévenir la propagation de ces agents pathogènes donc de mieux lutter globalement contre la « RAM ». Ces recherches confirment en effet que les CPEs peuvent se cacher dans l'intestin humain, le coloniser de manière asymptomatique et

« se planquer » derrière des milliards de bonnes bactéries en attendant l'occasion

de déclencher une infection ou de se propager à d'autres humains.

 

Le suivi durant 1 an du microbiome intestinal des patients infectés avec une CPE et des membres de leur famille et le séquençage des signatures d'ADN métagénomique montre que les bactéries ne restent pas silencieuses dans l'intestin :

leur colonisation laisse des traces révélatrices,

parmi lesquelles l’épuisement des bonnes bactéries, celles qui maîtrisent l'inflammation et maintiennent la santé intestinale.

La colonisation par la bactérie résistante est ainsi un processus dynamique qui peut conduire à l'échange d'éléments génétiques qui confèrent une résistance aux antibiotiques, entre les différentes espèces bactériennes présentes dans le microbiote. En analysant l'ensemble des séquences du génome des souches de CPE, les chercheurs identifient des mutations dans des gènes fonctionnels clés et des différences dans les profils de résistance aux antibiotiques entre des souches hautement similaires d'Escherichia coli (E. coli) et de Klebsiella pneumoniae (K. pneumoniae). Ces différences contribuent également à expliquer comment la bactérie CPE se cache dans l'intestin.

 

Comment décoloniser l’intestin ? Les chercheurs suggèrent que le rééquilibrage des bactéries intestinales, en particulier en favorisant les espèces qui modulent l'inflammation intestinale, pourrait ouvrir une voie de « décolonisation des CPE » et prévenir la transmission de la résistance aux antibiotiques.

 

Alors que cette famille de bactéries est particulièrement préoccupante en ce qui concerne sa résistance aux antimicrobiens et sa capacité à transmettre des gènes de résistance à d’autres bactéries, la bonne nouvelle est que sa présence ne passe pas inaperçue dans le microbiote intestinal.

 

L’idée est donc d’identifier et de préciser ces changements dans les communautés bactériennes intestinales, à l’aide de technologies métagénomiques de pointe et de « traiter » les microbiotes colonisés par l’apport de bonnes bactéries.