CANCER : Exploiter le cannibalisme cellulaire
Les cellules cannibales sont à l'origine d'une immunodéficience humaine rare. Cette équipe de biologistes de l’Université de Californie - Santa Barbara qui apporte une première compréhension de ce mécanisme, suggère également qu’exploiter ce mécanisme contre les cellules cancéreuses pourrait permettre de développer une immunothérapie plus efficace. Ces travaux expérimentaux, publiés dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS) promettent ainsi d’exploiter le cannibalisme cellulaire pour le traitement du cancer.
Ces scientifiques analysent ici toute une série de données issues d’études menées sur les mouches des fruits, les souris et chez des patients humains pour décrypter comment les « cellules cannibales » peuvent être à l'origine d'une immunodéficience humaine rare. Ils « exploitent ensuite ces connaissances pour développer une nouvelle thérapie contre le cancer », résume l’un des auteurs principaux, le Dr Denise Montell de l'UC Santa Barbara.
Rac hyperactif et son récepteur pour cannibaliser les cellules du cancer
Un gène « ancien » dans l’évolution, Rac2, et la protéine qu'il code, jouent un rôle fondamental : les protéines Rac participent à la construction du cytosquelette de la cellule. Celui-ci est constitué de filaments dynamiques qui permettent aux cellules de conserver leur forme ou de se déformer, selon les besoins. La même équipe avait déjà, en 1996, identifié ce rôle déterminant des protéines Rac dans le mouvement cellulaire et montré que Rac est un régulateur presque universel de la motilité cellulaire dans les cellules animales.
Dans les années 90, la même équipe montre qu’une forme hyperactive de la protéine Rac, exprimée dans seulement quelques cellules chez la mouche, détruit l’ensemble des tissus. Ainsi, la seule expression de ce Rac actif dans quelques cellules tue l’ensemble du tissu entier, soit plus de 900 cellules. Ce phénomène est appelé cannibalisme cellulaire.
Exploiter le cannibalisme cellulaire pour éliminer la tumeur
Depuis, les preuves se sont accumulées sur ce mécanisme de « consommation » de cellules, ou cannibalisme cellulaire et de son rôle dans la destruction des tissus. Ce cannibalisme cellulaire n’est d’ailleurs pas toujours un mécanisme nocif, ainsi, des millions de vieux globules rouges sont ainsi éliminés du corps humain chaque seconde.
- Chez la mouche, Rac hyperactif aide la cellule mangeuse à envelopper sa cible, qui pour être reconnue, a besoin d’un récepteur particulier. Lorsque les chercheurs bloquent ce récepteur -toujours chez la mouche-, les cellules frontières exprimant Rac hyperactif ne consomment plus leurs cellules voisines.
- Chez les humains, chez 3 patients non apparentés souffrant d'infections récurrentes qui présentaient la même mutation hyperactivant Rac, les chercheurs constatent l’absence de lymphocytes T, un type spécialisé de globules blancs essentiels au système immunitaire et l’hypertrophie de nombreux neutrophiles– un autre type de globules blancs –.
- Chez la souris, la mutation Rac2 entraîne la même perte mystérieuse de cellules T.
Chez ces 3 « modèles », les macrophages avec Rac hyperactif consomment plus de lymphocytes T que leurs homologues normaux. Cependant, les lymphocytes T avec Rac hyperactif sont également plus vulnérables à la consommation des 2 types de macrophages. Ainsi, l’explication la plus probable de l’absence de lymphocytes T chez les patients est une combinaison d’une consommation accrue par les macrophages ainsi que d’une vulnérabilité accrue des lymphocytes T eux-mêmes.
Des implications pour l’immunothérapie du cancer : programmer des macrophages pour qu'ils mangent les cellules cancéreuses et les inciter à manger plus, pourrait, en effet, constituer une approche thérapeutique efficace contre le cancer. C’est la piste suivie par l’équipe de recherche qui permet de cibler et de booster l’attaque des macrophages contre les cellules cancéreuses.
Cette nouvelle immunothérapie apparaît plus efficace que la thérapie CAR-T (réservée aux patients atteints de cancers du sang rares), qui utilise le récepteur CAR et les lymphocytes T du patient pour attaquer et détruire les cancers. Si la thérapie CAR-T est très efficace contre certains cancers, de nombreux types n’y répondent pas. CAR-M, une thérapie « cousine » de CAR-T, fait aujourd’hui l'objet d'essais cliniques chez l'Homme avec de bons résultats de sécurité.
Les macrophages avec récepteurs CAR et améliorés par Rac hyperactif ouvrent l’espoir d’une plus large efficacité, y compris contre les tumeurs solides.
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