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CHIMIOTHÉRAPIE : Comment éviter les lésions cardiaques induites ?

Actualité publiée il y a 3 années 8 mois 1 semaine
PNAS
Empêcher la chimiothérapie d'endommager le cœur est un objectif poursuivi par de nombreux oncologues (Visuel Adobe Stock 182463892)

Trouver un moyen d'empêcher la chimiothérapie d'endommager le cœur est un objectif partagé par de nombreux oncologues, dont cette équipe de l’ Ohio State University. Ces chercheurs suggèrent ici une intervention médicamenteuse qui pourrait, précisément, prévenir les lésions cardiaques induites par la doxorubicine, un médicament courant de chimiothérapie. Ces travaux, présentés dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine, suggèrent qu'en inhibant les protéines responsables du transport du médicament aux cellules cardiaques, il est possible d'éliminer cet effet secondaire sévère, sans nuire à l'efficacité de la chimiothérapie.

 

Pourquoi la doxorubicine ? La doxorubicine est connue depuis longtemps pour sa capacité à augmenter le risque de troubles cardiaques sévères chez les patients, avec des symptômes apparaissant parfois des dizaines d’années après la chimiothérapie. Ce médicament de chimio, utilisé pour traiter de nombreux types de tumeurs solides et de cancers du sang, est capable de pénétrer dans les cellules cardiaques en se combinant à un type spécifique de protéine qui fonctionne comme un transporteur du sang vers les cellules cardiaques. Au-delà, le mécanisme sous-jacent à ces effets indésirables reste mal compris. On sait néanmoins que le risque dépend de la dose : plus un patient reçoit de doses, plus le risque de dysfonctionnement cardiaque plus tard dans la vie est élevé, notamment le risque d’arythmie et d'insuffisance cardiaque congestive.

Immobiliser une protéine de transport aux cellules cardiaques

En apportant un autre médicament anticancéreux avant la chimiothérapie, les scientifiques parviennent à bloquer la protéine de transport et donc à stopper la distribution de doxorubicine aux cellules cardiaques. Ce médicament, le nilotinib, était déjà connu pour inhiber l'activation d'autres protéines de transport. L’auteur principal, Kevin Huang, docteur en sciences pharmaceutiques diplômé de l'Ohio State explique l’hypothèse faite par l’équipe : « Notre laboratoire part du constat que les médicaments ne se diffusent pas naturellement ou spontanément dans les cellules ciblées. Il existe par conséquent des canaux protéiques spécialisés présents sur des cellules spécifiques qui facilitent le mouvement ou le transport de composés internes ou externes dans la cellule ».

 

Des preuves précliniques assez solides : Les scientifiques rapportent les résultats d’expériences de laboratoire in vitro sur des cultures cellulaires et in vivo, sur des souris. L’objectif étant de pouvoir lancer des essais cliniques (humains), au plus tard en 2021, afin de valider l’innocuité et l’efficacité de l'intervention médicamenteuse. Dans ces expériences, l'équipe s'est concentrée sur les cardiomyocytes, les cellules qui composent le muscle cardiaque qui par contractions pompe le sang vers le reste du corps. Les chercheurs ont examiné des cardiomyocytes reprogrammés à partir de cellules cutanées données par 2 groupes de patients cancéreux traités par doxorubicine et dont certains souffraient de dysfonctionnement cardiaque après la chimiothérapie. Ces travaux permettent de constater que :

  • le gène responsable de la production de la protéine de transport en question, appelé OCT3, est très fortement exprimé dans les cellules dérivées de patients atteints de cancer, traités par doxorubicine et ayant connu des problèmes cardiaques à la suite de la chimio.
  • des souris génétiquement modifiées pour être exemptes de gène OCT3 s’avèrent protégées des lésions cardiaques après avoir reçu un traitement par doxorubicine ;
  • cependant, l'inhibition de l'OCT3 n'interfère aucunement avec l'efficacité de la doxorubicine contre le cancer.

 

La piste des inhibiteurs de la tyrosine kinase : ces molécules bloquent des enzymes spécifiques liées à de nombreuses fonctions cellulaires. Le nilotinib, un médicament contre la leucémie myéloïde chronique, est justement un inhibiteur de la tyrosine kinase et on sait qu’il inhibe l'OCT3. Ainsi, des souris prétraitées avec du nilotinib avant de recevoir de la doxorubicine voient leur fonction cardiaque préservée et le nilotinib n'a pour autant pas réduit la capacité anticancéreuse du traitement.

« Donner du nilotinib avant la chimiothérapie par doxorubicine pourrait empêcher l’anticancéreux d'arriver au cœur »

 

Les chercheurs prévoient un essai clinique de phase I pour tester la sécurité et l’efficacité de cette intervention médicamenteuse chez l'Homme, efficacité à bloquer la fonction de la protéine de transport OCT3 mais aussi à protéger les patients traités par doxorubicine, voire par d'autres médicaments, des lésions induites par la chimio.


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