COVID-19 et hydroxychloroquine : Sur le risque de mort cardiaque d'origine médicamenteuse
Cet article de cardiologues de la Mayo Clinic met en garde contre les dangers possibles liés à l’utilisation de certains médicaments pouvant provoquer des changements fatals du rythme cardiaque. Parmi ces médicaments, l'hydroxychloroquine, un antipaludéen de longue date qui a montré sa capacité in vitro à empêcher les virus SARS-CoV et SARS-CoV-2 de se fixer aux cellules humaines. Néanmoins, ce médicament, comme d’autres, est susceptible de prolonger l'intervalle QT et d’entraîner une arythmie sévère et finalement une mort cardiaque subite. C’est donc un appel a minima à la surveillance du QT lors de l'utilisation de ces médicaments pouvant provoquer des changements du rythme cardiaque.
Le nouveau coronavirus SRAS-CoV-2 qui cause l’épidémie COVID-19, continue de se propager, avec ce jour 26 mars 2020, près de 500.000 cas confirmés par test et plus de 20.000 décès recensés. (En revanche, l’épidémie semble contrôlée en Chine avec toujours 81.000 cas confirmés). Si les équipes scientifiques progressent dans la recherche d’un vaccin, celui-ci ne pourrait être disponible que d’ici 12 à 18 mois. Il reste donc à identifier, de préférence parmi les médicaments existants et éprouvés, par repositionnement, des thérapies sûres et efficaces contre les formes sévères de COVID-19. Un antipaludéen, l’hydroxychloroquine est actuellement en première ligne des espoirs thérapeutiques. Si certains établissements -et certains pays- l’utilisent déjà dans certaines situations cliniques, son efficacité et son innocuité doivent encore être validées sur un plus grand nombre de patients.
L'hydroxychloroquine est susceptible de prolonger l'intervalle QT
Cette équipe de la Mayo Clinic met donc en garde : certains médicaments utilisés pour traiter COVID-19 sont connus pour provoquer une prolongation de l'intervalle QT chez certains patients. L'intervalle QT étant une mesure de l’électrocardiogramme permettant d’évaluer la santé du système électrique du cœur. Les patients présentant un QT prolongé encourent un risque accru d'anomalies du rythme ventriculaire pouvant induire une mort cardiaque subite.
Identifier les patients les plus sensibles à cet effet secondaire indésirable sévère est donc crucial, souligne l’auteur principal, le Dr Michael J. Ackerman, cardiologue de la Mayo Clinic.
L'hydroxychloroquine est un médicament de prévention et de traitement de longue date contre le paludisme. Le médicament est également utilisé pour contrôler les symptômes des maladies auto-immunes, telles que le lupus et la polyarthrite rhumatoïde. Des tests de laboratoire (in vitro) et un récent essai pilote français suggèrent sa capacité anti-COVID-19. Ces résultats doivent cependant être reproduits sur un plus grand nombre de patients.
L'hydroxychloroquine est susceptible de prolonger l'intervalle QT, ce qui peut bloquer l'un des canaux potassiques critiques qui contrôlant le système électrique du cœur. Cette interférence augmente le risque d’arythmie et de mort cardiaque subite.
Ces cardiologues apportent donc ici des recommandations d'utilisation d’un ECG à 12 dérivations pour la surveillance du QTc du patient comme signe vital de risque accru de mort cardiaque subite d'origine médicamenteuse. Ils soulignent que le contexte d’urgence actuel favorise parfois l'absence de surveillance du QTc ou encore l'acceptation d’un « effet secondaire tragique » qui pourrait parfois être évité. Cette surveillance est parfois difficile car elle nécessite la présence de techniciens ECG dans la chambre de patients atteints de COVID-19 et cela de manière quotidienne, « avec tous les risques d’exposition et les besoins d’équipements de protection individuelle », explique le Dr Ackerman.
Des lignes directrices pour la surveillance du QTc pendant le traitement :
- Les antipaludiques chloroquine et hydroxychloroquine, ainsi que les médicaments anti-VIH lopinavir et ritonavir, comportent tous ce risque connu ou possible d'arythmies ventriculaires d'origine médicamenteuse et de mort cardiaque subite ;
- avant de commencer le traitement avec ces médicaments, il est important d'obtenir un ECG de base pour pouvoir ensuite, apprécier les changements. Cette mesure du point de départ peut provenir d'un ECG à 12 dérivations standard ou d'un appareil ECG mobile compatible smartphone (qui télétransmet le rythme cardiaque et la valeur QTc du patient et évite l’exposition du technicien au COVID-19) ;
- les chercheurs proposent ensuite un algorithme qui permet d’évaluer le risque d'arythmies d'origine médicamenteuse et d’adapter le traitement en conséquence ;
- les chercheurs apportent quelques exemples, comme celui des patients âgés de moins de 40 ans présentant des symptômes bénins et un QTc supérieur ou égal à 500 millisecondes : ceux-ci pourraient choisir d'éviter complètement le traitement, car le risque d'arythmie peut largement l'emporter sur le risque de développer un syndrome de détresse respiratoire aiguë lié au COVID-19. En revanche, les patients atteints de COVID-19 avec un QTc supérieur ou égal à 500 millisecondes qui présentent une aggravation progressive des symptômes respiratoires ou sont plus à risque de complications respiratoires en raison de leur âge avancé, de l'immunosuppression ou de comorbidités, pourraient bénéficier de ces médicaments.
En fin de compte, la pondération des risques et des avantages dépend de la question de savoir si l'hydroxychloroquine, avec ou sans azithromycine, est vraiment un traitement efficace contre le COVID-19.
Si l’efficacité du médicament était confirmée, ce protocole de surveillance généralisée de l'intervalle QTc pourrait permettre de mieux prévenir ou au moins de minimiser de manière significative les arythmies ventriculaires d'origine médicamenteuse et le risque de mort cardiaque subite, concluent les chercheurs.