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DENGUE : L’infection naturelle reprogramme le système immunitaire

Actualité publiée il y a 2 jours 3 heures 50 min
Med
Cette recherche contribue à expliquer pourquoi les vaccins sont plus efficaces chez les personnes ayant déjà été infectées (Visuel Adobe Stock 1359823740)

Cette équipe de la Duke-NUS Medical School (Singapour) vient de découvrir un mécanisme qui permet à la dengue de reprogrammer le système immunitaire, ce qui peut inhiber la réponse vaccinale. Cette recherche publiée dans la revue Med, contribue à expliquer pourquoi les vaccins sont plus efficaces chez les personnes ayant déjà été infectées.

 

La dengue est un virus transmis par les moustiques qui touche chaque année environ 100 millions de personnes dans les régions tropicales et subtropicales. La maladie peut entraîner des symptômes pouvant aller d’une légère fièvre accompagnée d'éruptions cutanées à une maladie grave voire mortelle, avec hémorragies et défaillance organique. 5.000 décès environ liés à la dengue sont ainsi recensés chaque année.

Il existe 4 types différents de virus de la dengue, chaque personne est donc théoriquement susceptible d'être infectée jusqu'à 4 fois au cours de sa vie.

Tout comme le système d'exploitation d'un ordinateur peut être « rebooté » après une mise à jour, la dengue peut « reprogrammer » le système immunitaire, laissant une empreinte génétique durable qui influence la réponse aux futures infections. Cet effet n’est pas observé avec la vaccination. C’est toute la démonstration de cette étude.

Les vaccins disponibles contre la dengue présentent en effet des limites :

ils sont notamment

plus efficaces chez les personnes ayant déjà été infectées par la dengue.

Chez ces personnes, la vaccination protège contre les 4 types de virus de la dengue.

La vaccination active les cellules immunitaires mémoires générées par une infection antérieure par le virus de la dengue et renforce également la protection contre les autres types de virus. Sans ces cellules immunitaires préexistantes, la qualité de la réponse immunitaire à la vaccination est moins bonne (immunité croisée).

 

Les vaccins approuvés par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) nécessitent plusieurs doses. Théoriquement,

 

  • la première dose est censée générer des cellules immunitaires similaires à celles déclenchée par une infection antérieure par le virus de la dengue (immunité naturelle) ;
  • la seconde dose est censée activer ensuite ces cellules pour renforcer la protection contre la maladie ;
  • Cependant, la réponse immunitaire à la seconde dose chez des personnes non-infectées, reste inférieure à celle des personnes ayant déjà été infectées par le virus de la dengue après une seule dose.

Comprendre pourquoi l’immunité vaccinale diffère de l’immunité naturelle

L’étude, un essai clinique mené auprès de 26 participants suivis de 2018 à 2020, ayant reçu 2 doses de vaccin contre la dengue administrées à 90 jours d'intervalle. L'équipe a ensuite analysé et comparé des échantillons sanguins de volontaires ayant déjà été infectés par la dengue avec ceux de volontaires non infectés. Afin d'assurer une plus large représentativité, une cinquantaine de volontaires n'ayant jamais été infectés par le virus de la dengue ont également fourni des échantillons de sang, analysés entre 2022 et 2023. L’analyse de l’ensemble de ces données, révèle que :

 

  • même avant la vaccination, les personnes ayant déjà été infectées par le virus de la dengue présentent déjà des profils d'activité génétique distincts ;
  • ces profils d'activité génétique ne sont étonnamment pas observés dans les cellules mémoires productrices d'anticorps, mais dans des types spécifiques de cellules immunitaires infectées par le virus de la dengue ;
  • l'infection naturelle par la dengue laisse ainsi une empreinte génétique durable sur le système immunitaire ;
  • au lieu de revenir à la normale après une infection naturelle, le système immunitaire se réinitialise à un nouveau seuil, ce qui explique pourquoi les réinfections sont souvent plus graves ;
  • chez les participants ayant déjà été infectés par la dengue, la première dose du vaccin déclenche une réponse immunitaire plus forte que chez ceux qui n’ont jamais été infectés par le virus ;
  • la vaccination, contrairement à l'infection naturelle, ne laisse pas d'empreinte,
  • la réponse immunitaire des personnes n'ayant jamais été infectées par le virus de la dengue reste ainsi plus faible que celle des personnes ayant déjà contracté naturellement la maladie, même après 2 doses de vaccin.  
  • Cette empreinte à long terme, également appelée immunité acquise,

a déjà été observée lors d'autres infections, comme le paludisme, et après l'administration de certains vaccins, comme le BCG, notent les auteurs. Cette recherche ajoute la dengue à cette liste d’infections.

 

L’un des auteurs principaux, le Dr Ooi Eng Eong, du programme des maladies infectieuses émergentes de la Duke-NUS, explique : « Imaginez une sorte d’entraînement sportif : le système immunitaire ne subit un véritable effort que lors d’une infection naturelle. Un léger échauffement dû à la vaccination ne suffit pas à le reprogrammer. Cela révèle un seuil de réponse immunitaire nécessaire pour laisser une empreinte sur le système immunitaire ».

 

Explication : les chercheurs identifient un ensemble particulier de gènes qui déclenchent normalement une réponse antivirale immédiate à l'infection. Ces gènes sont moins actifs chez les personnes ayant déjà été infectées par la dengue. Cette réponse atténuée signifie qu'après la vaccination (qui utilise une souche virale affaiblie), l'infection produit des taux élevés d'anticorps contre le virus de la dengue. Cependant, cette réponse antivirale atténuée pourrait également expliquer pourquoi une seconde infection par une autre souche du virus de la dengue présente souvent un risque plus élevé d'évolution vers une forme grave de la maladie.

 

En conclusion, cette recherche livre des informations essentielles non seulement pour développer de meilleurs vaccins, mais aussi pour orienter les politiques de santé mondiales. Alors qu’il est peu probable qu’un vaccin parfait contre la dengue soit développé dans les 10 prochaines années, les vaccins actuels, bien qu’imparfaits, peuvent être utilisés en toute sécurité pour réduire les quelque 100 millions de cas de dengue estimés chaque année dans le monde.