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DNAzymes : Ces molécules d'ADN au potentiel thérapeutique exceptionnel

Actualité publiée il y a 2 années 3 mois 3 semaines
Nature
Les DNAzymes sont des catalyseurs capables de cibler et de détruire des molécules d'ARN indésirables (Visuel HHU/Manuel Etzkorn)

Ces scientifiques de l’Université Heinrich-Heine (Düsseldorf) décrivent cette nouvelle arme possible dans l’arsenal thérapeutique : les DNAzymes. Les DNAzymes sont des catalyseurs capables de cibler et de détruire des molécules d'ARN indésirables. Cependant, en dépit de leur potentiel thérapeutique, des obstacles majeurs restent à lever pour leur utilisation en pratique clinique. L’équipe de biologistes de Düsseldorf avec des collègues du Jülich Research Center et de l'Université de Bonn, décrypte ici, au niveau atomique comment les DNAzymes fonctionnent en temps réel. Ces découvertes fondamentales présentées dans la revue Nature, marquent un pas vers leur application clinique.

 

« Le principe, proposé il y a plus de 20 ans et qui apparaît exceptionnel en théorie, ne fonctionne malheureusement pas dans la pratique médicale », explique le Dr Manuel Etzkorn, chercheur en biologie physique et auteur principal de l’étude. « Dans un tube à essai, les DNAzymes sont très efficaces pour détruire les molécules d'ARN, mais cela se produit rarement dans une cellule. Un processus concurrent semble bloquer l’action des ADNzymes. Sans une meilleure compréhension de leur fonctionnement, il sera extrêmement difficile de passer aux applications in vivo ».

Les DNAzymes ou DNA enzymes (ou déoxyribozymes) sont des séquences ADN

chargées de détruire les molécules d'ARN indésirables des virus, du cancer ou de cellules nerveuses endommagées.

Leur processus d’action est permis par leurs séquences ou bras de liaison (en rouge sur visuel) qui correspondent à une séquence de nucléotides sur la molécule d'ARN ciblée (en jaune). Le DNAzyme s'arrime précisément à la position correspondante et clive la molécule d'ARN, dont les fragments sont ensuite rapidement dégradés dans la cellule.

 

Ainsi les DNAzymes comprennent un noyau catalytique comprenant une quinzaine d'acides nucléiques flanqués à droite et à gauche de courts bras de liaison, chacun d'une dizaine d'acides nucléiques. La séquence du noyau est fixe, mais les bras de liaison peuvent être modifiés de manière spécifique pour cibler une séquence précise d'ARN. La DNAzyme (en rouge) utilise ses bras de liaison pour s'arrimer à un emplacement spécifique sur le brin d'ARN (en jaune) puis le scinde en son noyau.

 

Des avantages thérapeutiques théoriques évidents : Les DNAzymes permettent de cibler et détruire l’ARN indésirable avec précision, tout en préservant les brins d'ARN utiles de la cellule.

 

  • C’est possible dans le cas des virus comme le SRAS-CoV2 et Ebola, dont le matériel génétique est codé sur une molécule d'ARN ;
  • ça l’est également dans le cas des cancers : comme les cellules saines, les cellules cancéreuses utilisent ce qu'on appelle l'ARN messager (ARNm) pour copier les plans des protéines à partir de leur ADN et les transférer vers les usines de molécules. comme la séquence d'ARNm dans les cellules cancéreuses est souvent légèrement différente de celle des cellules saines ou présente en différentes quantités, les ADNzymes peuvent attaquer spécifiquement les cellules cancéreuses tout en épargnant les cellules saines.

 

Quel fonctionnement dynamique ? Les chercheurs allemands utilisent ici des technologies d’imagerie à très haute résolution, dont la résonance paramagnétique électronique et la spectroscopie de fluorescence, ainsi que des simulations de dynamique moléculaire pour décrypter la structure et les mécanismes catalytiques de l'ADNzyme. Ils décryptent ainsi étape par étape le processus de liaison et de clivage et identifient les cofacteurs qui le soutiennent. Ils décrivent ainsi l'arrangement atomique tridimensionnel de l'ADNzyme lors de sa liaison à l'ARN et lors du processus de clivage : le noyau s'enroule autour du brin d'ARN de manière très efficace, le clivant en deux morceaux en plusieurs étapes intermédiaires. Après le clivage, l'ADNzyme libère les fragments et peut « aller » se lier à un nouvel ARN.

 

Alors pourquoi les DNAzymes ne fonctionnent-ils pas bien dans les cellules ? Le magnésium, un cofacteur clé, joue différents rôles essentiels dans ce mécanisme, mais se lie relativement difficilement et seulement brièvement au DNAzyme. D'autres composants dans la cellule présentant une plus grande affinité pour le magnésium, le détournent de l'ADNzyme.

 

La prochaine étape va donc consister à mener des recherches in vitro sur des cultures cellulaires et des organoïdes. L'objectif reste d’aboutir à des applications thérapeutiques en particulier en améliorant l'affinité du magnésium avec les ADNzymes.

 

Selon les chercheurs, les ADNzymes présentent un fort potentiel dans le traitement des maladies neurodégénératives : dans le cas de Parkinson par exemple, les ADNzymes pourraient cibler et détruire la séquence d'ARNm qui pilote la production d'alpha-synucléine qui, en grande quantité, favorise les processus neurotoxiques.

Les ADNzymes pourraient également donner naissance à une nouvelle classe d'antibiotiques en ciblant l’ARN vital des bactéries.

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