MÉDECINE RÉGÉNÉRATIVE : Des fils de soie pour remplacer les fibres nerveuses
La soie d'araignée a un énorme potentiel en médecine régénérative grâce à sa fibre naturellement résistante, stable et biodégradable. Cette équipe de bioingénieurs de l'Université de Bayreuth (Allemagne) montre aujourd’hui, dans la revue Angewandte Chemie, que les fils de soie d'araignée, recouverts de nanoparticules d'or, pourraient attirer les cellules nerveuses et stimuler leur croissance, avec des applications prometteuses dans la régénération nerveuse et musculaire.
L’équipe est capable de produire des fibres de soie d'araignée à double face qui constituent une plateforme de croissance ou de régénération pour cellules nerveuses ou musculaires endommagées. Une face des fibres est adaptée à l'adhésion cellulaire, tandis que l'autre face est conçue pour attirer et fixer des facteurs de croissance ou d'autres substances.
La soie d'araignée est non toxique, biocompatible et n'attire pratiquement aucun microbe.
Ces propriétés en font un candidat idéal comme support de croissance des cellules nerveuses. Cependant, au naturel, le processus de production de la soie par les araignées prend beaucoup de temps, suit des étapes complexes et aboutit à des volumes extrêmement faibles. C’est la raison pour laquelle les ingénieurs allemands ont travaillé à une approche biotechnologique capable d’industrialiser la production de ce produit naturel.
Des fibres de Janus : l'équipe produit de la soie d'araignée à partir de micro-organismes génétiquement modifiés avec des avantages en termes de qualité et portant des protéines optimisées. Ces « fibres de Janus » qui tirent leur nom du dieu romain en raison de leur double face :
- un côté des fibres est formé à partir d'une protéine de soie d'araignée dans laquelle l'équipe a substitué un seul acide aminé. Cela a inversé la charge nette (de négative à positive) de la protéine : « la surface du matériau devient attractive pour les cellules » ;
- l'autre face des fibres est formée à partir d'une protéine de soie d'araignée à laquelle l'équipe a ajouté l'acide aminé cystéine. L'ajout de cystéine permet d'employer la « chimie clic », caractérisée par des réactions au cours desquelles les composés réagissent si facilement les uns avec les autres que cela donne l’impression qu’ils ont simplement été « cliqués » ensemble.
Enfin, les chercheurs manient l'électrofilage, un processus qui consiste à extraire un fil d'une solution protéique dans un champ électrique. Ils aboutissent à des fibres de soie d'araignée Janus qui se présentent sous la forme d'un matériau cristallin et insoluble. La fibre est ensuite recouverte d'un côté de nanoparticules d'or en utilisant la chimie clic, ce qui rend la soie électriquement conductrice.
Stimuler la croissance des cellules musculaires : le fil de soie conducteur qui vient remplacer les nerfs lésés va permettre de conduire des impulsions électriques qui vont exciter les muscles. Les chercheurs travaillent également à la fixation de facteurs de croissance sur ces fibres, à l'aide de la chimie clic.
Ces facteurs favorisent non seulement l'adhésion des cellules à la surface, mais également une croissance ciblée et plus rapide des cellules nerveuses le long du fil.