SANTÉ CELLULAIRE : Comment les cellules gèrent leur trafic moléculaire

Comprendre comment les cellules gèrent leur trafic moléculaire et comment les molécules naviguent dans le complexe des pores nucléaires, ouvre de nouvelles perspectives sur la fonction cellulaire et les maladies. A l’aide d’une nouvelle technique d’imagerie, ces biologistes de l’Université Texas A&M étudient cette navigation moléculaire et révèlent, ici dans la revue Nature, quelques secrets du contrôle du trafic cellulaire, et donc de la santé cellulaire.
Siegfried Musser et son équipe du département de biologie cellulaire et de génétique de la Texas A&M utilisent une technique d'imagerie avancée appelée MINFLUX pour suivre les mouvements moléculaires en millisecondes et en 3D
à une échelle environ 100.000 fois plus petite que la largeur d'un cheveu humain.
Ces scientifiques comparent cette gestion cellulaire du déplacement des molécules entrant et sortant du noyau à la gestion d’un trafic automobile qui entre et sort d’une ville. La cellule est donc comparée à une métropole microscopique dotée d’une passerelle complexe, équipée de complexes de pores nucléaires au niveau de l'enveloppe nucléaire, qui permettent ce contrôle du trafic moléculaire. L’équipe « fait » des découvertes qui ouvrent de nouvelles perspectives sur des maladies dont les maladies neurodégénératives et les cancers.
L’étude se concentre donc sur le déplacement à la fois rapide et efficace des molécules à travers les pores de la double membrane qui enveloppe le noyau, un déplacement généralement dénué de collision ou de congestion. Grâce à cette technique d'imagerie avancée, les scientifiques ont pu suivre les mouvements moléculaires en 3D, à l’échelle de quelques millisecondes et à un niveau de définition 100.000 fois plus petit que la largeur d'un cheveu. Ces travaux révèlent que :
- l'importation ou processus d'entrée des molécules dans le noyau et se produisent via des voies qui se chevauchent au sein du complexe de pores nucléaires : ces processus ne s’effectuent donc pas, comme on le pensait jusque-là via des voies distinctes ;
- le système de circulation, surprenant, évite les collisions grâce à un déplacement des molécules qui se se produit « les unes autour des autres » : en d’autres termes, les molécules se contournent ;
- ainsi, les molécules se déplacent dans des conduits étroits dans les deux sens, s'entrelaçant les unes autour des autres plutôt que de suivre une double voie à 2 sens, comparable à une autoroute ;
- ce déplacement moléculaire n’utilise qu'une petite section transversale du diamètre du pore, migrant à proximité des parois du canal et évitant le centre ; les molécules semblent emprunter l'un des 8 canaux de transport distincts identifiés, chacun étant confiné à un seul rayon de l'anneau périphérique,
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ce qui suggère l’existence d’un mécanisme structurel contribuant à la régulation du trafic. moléculaire ;
- d’ailleurs, un réseau de protéines désordonnées bloque en partie le pore, ce qui ralentit considérablement ces déplacements ;
- en dépit de la lenteur du mouvement, le transport n’est pas bloqué, seulement ralenti, et il évite la congestion. La composition de « ce bouchon central » reste inconnue.
Le rôle clé des NPC : les pores nucléaires (NPC, nuclear pore complexes) jouent un rôle crucial dans la fonction cellulaire, et leur dysfonctionnement est associé à de nombreuses maladies, notamment des maladies cérébrales progressives comme la sclérose latérale amyotrophique, la maladie d'Alzheimer et la maladie de Huntington. De plus, l'augmentation du trafic via les pores nucléaires est reconnue comme importante pour la croissance cancéreuse. Ainsi, le trafic via les pores nucléaires constitue l’une des fonctions cellulaires fondamentales.
Toute interférence avec cette fonction peut entraîner des effets secondaires importants et des maladies.
Les scientifiques travaillent à distinguer les effets qui se produisent au niveau du pore lui-même et ceux qui se produisent hors du pore, comme l’assemblage et le désassemblage du complexe de transport. Et à lier ces dysfonctionnements au développement de certaines maladies : par exemple, des mutations du gène c9orf72, associées à la SLA et à la démence frontotemporale, peuvent entraîner la formation d'agrégats bloquant les pores nucléaires.
On comprend donc l’intérêt d’une imagerie de plus en plus performante qui permette d’observer et de décrypter, en temps réel et de manière dynamique, l’ensemble de ces déplacements au niveau moléculaire.
Avec à la clé, des données cruciales sur la fonction cellulaire et les maladies associées.