ANTIBIORÉSISTANCE : Faut-il taxer les antibiotiques ?

C’est ce que suggère cette équipe britannique d’économistes de la santé de l’Université d'East Anglia, pour lutter contre la résistance aux antibactériens : une taxe sur les antibiotiques à large spectre pourrait contribuer à lutter contre la menace croissante de la résistance aux antimicrobiens (RAM) ainsi qu’une incitation des médecins généralistes prescrire des médicaments à spectre étroit. Ces conclusions, présentées dans l’International Journal of Industrial Organization, appellent ainsi à de profonds changements dans les pratiques thérapeutiques.
Car la résistance aux antimicrobiens (RAM) est devenue une priorité mondiale de santé publique, causant environ 700.000 décès par an. Si rien n’était fait, cela pourrait mettre en danger 10 millions de vies chaque année et entraîner une perte de productivité monumentale dans le monde.
L'utilisation humaine d'antibiotiques est le principal moteur de la RAM et la majorité de ces médicaments sont prescrits par les médecins généralistes. Classés comme à spectre étroit ou à large spectre, les médicaments à spectre étroit ciblent des bactéries spécifiques, contribuant ainsi à ralentir la RAM, mais nécessitent bien identifier l’agent à l'origine de l'infection. Les antibiotiques à large spectre sont utilisés plus généralement lorsque l'agent infectieux est inconnu, ce qui aggrave la RAM.
Bien identifier l’agent à l'origine de l'infection
Au Royaume-Uni, un rapport de 2016 a déjà recommandé de tester les agents pathogènes avant de prescrire et d'utiliser de préférence des médicaments à spectre étroit et de limiter la prescription excessive d'antibiotiques à large spectre qui contribue aux niveaux croissants de la RAM.
L’étude examine la faisabilité de « taxer » la prescription de médicaments à large spectre, ciblant ainsi les cabinets de médecins généralistes. L’idée derrière cette approche est que les médecins généralistes soient encouragés à choisir le médicament à spectre étroit. Un autre outil possible, pour optimiser cette stratégie, serait d’ajuster le prix relatif des médicaments en fonction de leur spectre d’action.
« La résistance aux antibiotiques est une priorité de nos politiques de santé. Il s’agit peut-être de la prochaine bombe à retardement du système de santé ».
L'analyse s'appuie sur 10 années de données de ventes mensuelles d'antibiotiques distribués dans les pharmacies britanniques et utilise des modèles économiques pour évaluer les modèles de substitution entre différents antibiotiques, ainsi que l'impact des prix, de la saisonnalité, du spectre et d'autres caractéristiques des antibiotiques. Parmi les principes importants retenus ici par les auteurs :
- le fardeau financier de la taxe ne pèse pas sur les patients mais sur les médecins prescripteurs : la simulation confirme que le passage d'un spectre large à un spectre étroit est possible via des changements dans les prix provoqués par la fiscalité avec des implications positives en termes de dépenses de santé pour la société ;
- cette nouvelle approche permettrait aussi de mieux gérer la demande d’antimicrobiens à l’échelle nationale ;
- des exceptions seraient prévues, basées sur la gravité de la maladie et que les médecins pourraient certifier ;
- les décisions thérapeutiques à prendre en urgence, sans possibilité d’attendre les résultats d’un test de diagnostic seraient également « exemptées ».
2 types de taxes sur différents groupes de médicaments pourraient être envisagés :
- une taxe en pourcentage (5 % ou 20 %) sur tous les antibiotiques, tous les antibiotiques à large spectre et les antibiotiques spécifiques à large spectre connus pour contribuer le plus à la résistance aux antibiotiques (co-amoxiclav, quinolones et céphalosporines) ;
- un montant fixe de taxe par unité de médicament.
- Une taxe de 20 % sur tous les antibiotiques réduirait l’utilisation totale des antibiotiques de 12,7 % et de 29,4 % l’utilisation des antibiotiques à large spectre les plus problématiques ;
- la même taxe de 20 % appliquée uniquement aux antibiotiques à large spectre qui contribuent le plus à la résistance aux antibiotiques permettrait de faire chuter leur utilisation de 37,7 %, l’utilisation globale des antibiotiques ne baissant que de 2,38 %, la plupart des patients recevant alors des médicaments à spectre étroit.
Avec une perte de bien-être très réduite dans cette deuxième hypothèse, pour les patients recevant ces médicaments.
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