CRYORHODOPSINES : Des protéines du grand froid aux caractéristiques uniques

Ces protéines aiment le froid : les cryorhodopsines, des protéines bleues rares issues de microbes adaptés au froid pourraient constituer de précieux agents pour la conception d'interrupteurs moléculaires cellulaires et pour de nouvelles applications en optogénétique. Elles sont particulièrement adaptées à l'activation et à la désactivation de l'activité électrique cellulaire. C’est le concept suggéré et développé par cette équipe de bioingénieurs de l’European Molecular Biology Laboratory (EMBL, Hambourg) et présenté dans la revue Science Advances.
Ceux-ci nous proposent d’imaginer les glaciers du Groenland, et surtout les molécules inhabituelles qu’ils abritent, et qui ont développé une résistance remarquable au froid. Le physicien Kovalev, chercheur à l'EMBL et son équipe se sont spécialisés dans les rhodopsines, un groupe de protéines colorées qui permettent à ces micro-organismes aquatiques de capter l'énergie solaire. Ils suggèrent qu’ils pourraient permettre de contrôler l'activité des cellules cérébrales :
« Ces molécules pourraient avoir des fonctions inconnues dont nous pourrions tirer profit. »
L’optogénétique appliquée aux cryorhodopsines
Certaines rhodopsines ont déjà été modifiées pour servir d'interrupteurs photoélectriques pour contrôler l'activité électrique des cellules. L’optogénétique au croisement de l’optique et de la génétique, est utilisée par les neuroscientifiques pour contrôler sélectivement l'activité neuronale ou plus largement l’activité cellulaire, lors d'expériences. Les rhodopsines étant dotées d'autres capacités, dont une activité enzymatique, pourraient, de surcroît être utilisées pour contrôler des réactions chimiques sous l'effet de la lumière.
L’étude par l’équipe des rhodopsines pendant des années a permis cette découverte d’un nouveau groupe méconnu de rhodopsines, distinct de toutes les rhodopsines déjà connues, présentant une caractéristique inhabituelle, spécifique aux environnements très froids, comme les glaciers et les hautes montagnes.
Ces rhodopsines « du grand froid », nommées « cryorhodopsines », ont développé des capacités spécifiques favorisant leur survie dans le froid. Exposées au soleil, les cryorhodopsines peuvent détecter les UV, mais sont plus lentes que les autres rhodopsines à réagir à la lumière. Cela a conduit les scientifiques à soupçonner que ces cryorhodopsines pourraient agir comme des photocapteurs permettant aux microbes de « voir » les UV – une propriété inconnue chez les autres cryorhodopsines. Les cryorhodopsines pourraient donc avoir développé un pouvoir protecteur contre les UV pour permettre aux microbes de survivre dans ces environnements froids où le rayonnement UV est généralement élevé.
Alors que la couleur de la plupart des rhodopsines est le rose-orangé, qu’elles réfléchissent la lumière rose et orange et absorbent la lumière verte et bleue, les scientifiques s’efforcent de créer une palette de rhodopsines de différentes couleurs afin de contrôler l’activité neuronale avec plus de précision. Les rhodopsines bleues sont particulièrement recherchées car elles sont activées par la lumière rouge, qui pénètre les tissus plus profondément et de manière non invasive.
Or, les cryorhodopsines existent dans tout un spectre de couleurs et certaines, justement sont bleues.
La couleur de chaque rhodopsine est déterminée par sa structure moléculaire, qui détermine les longueurs d’onde de la lumière qu’elle absorbe et réfléchit. Toute modification de cette structure peut modifier la couleur. Le secret de la couleur bleue réside dans la même caractéristique structurelle rare déjà identifiée dans les bases de données de protéines. Ce constat permet donc aux scientifiques de concevoir des rhodopsines bleues synthétiques adaptées à différentes applications.
Quelle application des cryorhodopsines en optogénétique ? Lorsque les cellules exprimant des cryorhodopsines sont exposées à des rayons UV verts, des courants électriques sont induits et les cellules deviennent plus excitables, tandis qu'avec une lumière UV/rouge, cela réduit leur excitabilité. Une première application en cours concerne de nouveaux implants cochléaires optiques capables de restaurer l'audition par voie optogénétique.
Autre découverte, le gène de la cryorhodopsine est toujours accompagné d'un gène codant pour une minuscule protéine de fonction inconnue – probablement héritée ensemble et probablement fonctionnellement liée. L'équipe démontre que 5 copies de la petite protéine forment un anneau qui interagit en effet avec la cryorhodopsine. En fait, comme prévu, la petite protéineforme un équilibre avec la cryorhodopsine à l'intérieur de la cellule. Lorsque la cryorhodopsine détecte la lumière UV, la petite protéine se déplace pour transporter cette information dans la cellule. Ainsi, le signal photosensible des cryorhodopsines peut être transmis à d'autres parties de la cellule. Avec là encore, selon les scientifiques, des mécanismes à explorer.
« Nous soupçonnons que les cryorhodopsines ont développé ces caractéristiques uniques non pas à cause du froid, mais plutôt pour permettre aux microbes de détecter et de se protéger des rayons UV, qui peuvent leur être nocifs. Des mécanismes d’adaptation évolutive qui trouveront sans doute d’autres applications ».
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