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DÉPRESSION : Existe-t-il des marqueurs génétiques du risque et de la réponse au traitement ?

Actualité publiée il y a 9 heures 44 min
Genomic Psychiatry
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Des marqueurs génétiques de la dépression constituent de bons indicateurs des tendances au moins des réponses aux traitements psychiatriques, confirme cette revue exhaustive des données de dizaines d'études sur les scores polygéniques et leurs implications cliniques pour les principaux troubles mentaux. Des conclusions présentées dans la revue Genomic Psychiatry, qui devraient permettre à terme, avec la contribution de l'apprentissage automatique, une prise en charge psychiatrique mieux personnalisée.

 

Car si ces marqueurs génétiques ou scores polygéniques des résultats des traitements des principaux troubles psychiatriques présentent un potentiel prédictif modeste, ils reflètent bien des tendances thérapeutiques cohérentes, souligne l’un des auteurs principaux, le professeur Alessandro Serretti, de l'Université Kore d'Enna (Italie).

Des signatures génétiques pour des schémas thérapeutiques cohérents

L’étude est une méta-analyse des données publiées sur la période 2013-2025, portant sur le lien entre les scores polygéniques du trouble dépressif majeur (TDM) et du trouble bipolaire (TB) et les résultats thérapeutiques. Ces scores regroupent les effets de centaines, voire de milliers de variantes génétiques courantes et les combinent sous forme d’une seule mesure de la prédisposition génétique aux troubles psychiatriques. L'analyse révèle que :

 

  • des scores polygéniques élevés pour la dépression sont systématiquement corrélés à de moins bons résultats thérapeutiques pour de nombreux autres troubles ;
  • les patients présentant un risque génétique élevé de dépression présentent une probabilité accrue de non-réponse aux antidépresseurs, aux thymorégulateurs, aux antipsychotiques, des taux de rémission plus faibles et une plus grande résistance au traitement dans la dépression majeure, le trouble bipolaire et la schizophrénie ;
  • cette tendance est validée pour de nombreux groupes de population et de nombreuses approches thérapeutiques, ce qui semble confirmer une véritable relation biologique (ou moléculaire) ;
  • la relation est modeste, mais constante, entre les scores polygéniques du trouble dépressif majeur et les résultats des traitements antidépresseurs : un score polygénique plus élevé pour la dépression est corrélé à une probabilité accrue de non-réponse, de non-rémission ou de résistance aux traitements antidépresseurs conventionnels ;
  • cet effet est également observé pour les résultats des traitements du trouble bipolaire et de la schizophrénie.

 

La génétique révèle des relations thérapeutiques néanmoins complexes : en effet, pour le trouble bipolaire notamment, les scores polygéniques sont associés à des effets plus nuancés. Si ces marqueurs ont une valeur prédictive de la réponse aux antidépresseurs dans la dépression, ils suggèrent des tendances « intrigantes » dans le traitement du trouble bipolaire : ils peuvent, d’une part, être associés à un fonctionnement cognitif plus élevé et d'autre part, prédisposer à des traits psychotiques dans certains contextes spécifiques. En clair,

 

  • une prédisposition génétique au trouble bipolaire n'entraîne pas systématiquement des résultats négatifs
  • et peut même, dans certains contextes, être avantageuse.

Le rôle des interactions environnementales : les facteurs environnementaux ajoutent à la complexité clinique. L'analyse met en évidence les preuves de l'interaction entre le risque génétique de troubles de l'humeur et les facteurs environnementaux. Ainsi, les personnes présentant un risque génétique plus élevé de dépression rapportent aussi une plus grande exposition aux événements stressants de la vie et une vulnérabilité accrue à des conditions environnementales défavorables.

 

  • À l'inverse et à nouveau, le risque génétique de trouble bipolaire est parfois associé à des résultats positifs, notamment un niveau d'éducation plus élevé et de meilleures performances cognitives. Des conclusions qui confirment « la complexité de la génétique psychiatrique », où
  • de mêmes variants génétiques peuvent avoir des effets différents, selon les contextes.
  • Ces interactions gènes-environnement pourraient-elles expliquer pourquoi certains patients présentant des profils génétiques similaires connaissent des trajectoires cliniques très différentes.

 

Enfin, si ces résultats, multiples et complexes trouvent une certaine cohérence, les chercheurs relèvent que leur mise en œuvre clinique reste prématurée. Ainsi, l'utilité clinique des scores polygéniques actuels reste limitée. Même lorsqu'ils sont statistiquement significatifs, ces marqueurs génétiques expliquent généralement moins de 1 % de la variance des résultats thérapeutiques. Cette taille d’effet modeste reflète le défi persistant de « l’héritabilité manquante » dans la génomique psychiatrique, où les variantes identifiées ne représentent qu’une fraction de l’influence génétique sur les traits complexes.

 

Ces scores polygéniques devraient donc plutôt être considérés comme des marqueurs prédictifs supplémentaires plutôt que comme des outils de décision clinique. Ce qui met en évidence une limite critique de la recherche actuelle et appelle à des études de grande envergure et ethniquement hétérogènes.

 

L'apprentissage automatique pourra permettre une meilleure prédiction : de nouvelles approches combinant scores polygéniques et données cliniques grâce à des techniques d'apprentissage automatique montrent déjà des améliorations substantielles dans la prédiction des résultats. Certaines études ont permis d'expliquer la variance de 4 à 5 % en intégrant des informations génétiques et cliniques vs 1 à 2 % pour les seuls marqueurs génétiques.

 

Des développements qui permettront à terme, une psychiatrie de précision.


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