ÉDITION du GÉNOME : Et si on l’utilisait plutôt pour activer les bons gènes ?
La technique d'édition du génome CRISP-Cas-9 est connue pour supprimer les gènes coupables, responsables de maladies. Les scientifiques des Instituts Gladstone (San Francisco) suggèrent aujourd'hui d'utiliser la méthode d’édition du génome CRISPR, non pas pour supprimer, mais pour activer certains gènes. Ainsi modifiée pour activer des gènes dans des cellules humaines, en particulier dans les cellules T, la technique promet ainsi de booster la réponse immunitaire ou d'optimiser l'efficacité des immunothérapies.
Ces travaux, publiés dans la revue Science, aboutissent à un nouveau « pipeline » basé sur l’édition de gènes, une technique cette fois dénommée CRISP-a -"a" pour "activation"-, qui permet de cibler les gènes, qui activés dans les cellules immunitaires, permettent d’optimiser leur fonction.
L'édition du génome CRISPR est un outil puissant pour supprimer ou modifier des séquences d'ADN néfastes ou à l’origine de maladies. L’équipe de généticiens de Gladstone et de l'UC San Francisco (UCSF) l’utilisent aujourd’hui à contre-emploi : pour activer l’expression de gènes dans les cellules immunitaires humaines. Cette nouvelle application, nommée CRISPRa, leur permet d’identifier les gènes clés dans la biologie des cellules immunitaires et donc clés dans notre immunité.
« Une percée en immunothérapie »,
c’est ainsi que décrit en quelques mots ces travaux, son auteur principal, le Dr Alex Marson, directeur de l'Institut Gladstone d'immunologie génomique de l’UCSF : « ces nouvelles expériences rendues possibles par la technique CRISPRa nous permettent aujourd’hui de comprendre quels sont les gènes clé pour le bon fonctionnement des cellules immunitaires. Elles nous apportent également un nouvel aperçu de la façon de les modifier génétiquement pour qu’elles luttent de manière optimale contre les cancers et les maladies auto-immunes ».
CRISPRa peut optimiser la fonction des cellules immunitaires humaines : dans le cadre de cette recherche, les scientifiques activent chaque gène du génome dans différentes cellules et testent ainsi simultanément près de 20.000 gènes. Ils identifient ainsi des processus qui permettent d’exploiter certains de ces gènes comme de puissants leviers pour reprogrammer les fonctions cellulaires de manière à favoriser l’efficacité des immunothérapies.
CRISPRa / CRISPR-Cas9 : le système d'édition du génome CRISPR-Cas9 repose généralement sur les protéines Cas9, souvent décrites comme des «ciseaux moléculaires», qui vont couper l'ADN aux sites souhaités le long du génome. Utilisée par l’équipe de l’UCSF au départ pour éliminer sélectivement (ou "inactiver") les gènes de divers types de cellules immunitaires humaines, la technique a également fourni des indices sur la façon dont les cellules immunitaires pourraient être modifiées pour être plus efficaces contre les infections, l'inflammation ou les cancers.
- Ainsi, l’inactivation des gènes via CRISPR-Cas9 a permis à l’équipe de comprendre les bases du fonctionnement des cellules immunitaires. Il lui fallait un « complément » cependant, « une technique capable aussi d’activer certains gènes vraiment critiques », explique Zachary Steinhart, chercheur au Marson Lab, également auteur principal de l’étude.
- Dans CRISPRa, pour « CRISPR activation » la protéine Cas9 est altérée de sorte qu'elle ne peut plus couper l'ADN. Un activateur - un interrupteur moléculaire "on" est ajouté à Cas9, de sorte que lorsque la protéine se lie à un gène, elle l'active. (les chercheurs sont également aujourd’hui en capacité de lui attacher un répresseur ou un interrupteur "off" qui peut désactiver le gène, sans le « sectionner ».
La cible de cette technique d'édition du génome, les lymphocytes T : les cellules T sont un type de globules blancs et l'un des principaux médiateurs de l'immunité dans le corps humain. Les lymphocytes T ciblent non seulement les pathogènes envahisseurs, mais dirigent également d'autres cellules immunitaires pour augmenter ou diminuer leurs réponses aux intrus ou aux cellules cancéreuses. Cette coordination est rendue possible grâce à la production de molécules de signalisation appelées cytokines. Différents types de lymphocytes T produisent différents types de cytokines, et différentes cytokines ou cocktails de cytokines ont des effets différents sur la réponse immunitaire.
Le contrôle des cytokines des lymphocytes T peut donc permettre de remodeler la réponse immunitaire en réaction à un large spectre de pathologies. Il restait cependant à identifier quels gènes contrôlent quelles cytokines.
- Appliquée aux cellules T primaires, CRISPRa a permis ainsi de tester les effets de l’activation (ou l’inactivation) de près de 20.000 gènes dans des cellules T humaines isolées directement de plusieurs volontaires sains.
« Nous avons rapidement compris les règles des gènes que nous pouvons activer pour réguler les niveaux de certaines cytokines » et donc optimiser la réponse immunitaire contre différentes pathologies. Avec de nombreuses implications : par exemple, stimuler la capacité des lymphocytes T à combattre le cancer, en modifiant leur production de cytokines, pourrait rendre la thérapie cellulaire CAR-T (une forme d’immunothérapie) encore plus puissante.
L’équipe espère maintenant mettre en pratique ce nouveau manuel d'instructions pour créer des programmes de gènes synthétiques intégrables par CRISPR dans la cellule T pour booster les immunothérapies contre un large éventail de maladies.