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BIOFILMS : Une véritable urbanisation bactérienne

Actualité publiée il y a 4 années 3 semaines 6 jours
Nature Communications
Les bactéries forment des biofilms comme les humains construisent des villes.

Les bactéries forment des biofilms comme les humains construisent des villes. C’est l’analyse par imagerie de haute résolution de ces virologues de l’Université de Pennsylvanie, de la croissance et de l'expansion des biofilms sur une surface. En suivant pas à pas la croissance d'un biofilm l’équipe constate des similitudes surprenantes avec l'urbanisation. Ces travaux, présentés dans la revue Nature Communications, apportent une nouvelle vision et compréhension de la croissance des biofilms et de moyens thérapeutiques permettant de les éviter.

 

Les microbiologistes ont depuis longtemps adopté le langage de l’implantation et de l’installation humaines pour décrire comment les bactéries vivent et se développent : elles « envahissent » l’hôte, « colonisent » la plaie …Cependant la métaphore est-elle appropriée ?

Certains « colons » individuels se sont développés, formant d’abord de petits « villages », dont les limites se sont ensuite étendues de manière à se réunir pour former des bourgades puis des « villes ».

Les bactéries sont-elles anthropomorphes ?

En combinant une technique d'imagerie de haute résolution à un algorithme de calcul, l’équipe confirme qu’en effet ces images sont probablement même encore plus justifiées qu’on pouvait le penser : leurs observations et leurs calculs montrent qu’au fur et à mesure que les bactéries individuelles se multiplient et se développent en un biofilm dense et collant, leur modèle de croissance et leur dynamique reflètent ceux observés dans le développement de nos villes.

 

L’expérience : si les précédentes études portant sur le biofilm ont consisté à analyser une seule cellule dans un champ de vision étroit au fur et à mesure qu'elle se multiplie, devient un cluster et commence à s’agréger, ici l’équipe a suivi plusieurs cellules individuelles simultanément à l’aide d’outils puissants d'imagerie « time-lapse » ( microscopie confocale à balayage laser-MCBL) capables d'analyser la topographie de surface et de suivre les bactéries qui peuplent la surface. Le développement d’un algorithme a permis ensuite l’analyse de cette colonisation au fil du temps. Précisément ici, les chercheurs suivent le microbe Streptococcus mutans, un pathogène oral responsable du développement des caries, et qui forme un biofilm appelé plaque dentaire et libère des acides qui dégradent l'émail des dents. Les chercheurs ont donc distribué des Streptococcus mutans sur un matériau semblable à l'émail des dents et ont suivi des centaines de microbes individuels pendant plusieurs heures alors qu'ils se divisaient et grandissaient. Les chercheurs ont pu ainsi suivre des centaines de bactéries disséminées sur une surface, depuis leur colonisation initiale jusqu'à la formation d'un biofilm. L’auteur principal, le Pr Hyun (Michel) Koo, professeur à la Penn's School of Dental Medicine confirme : « Ce que nous observons, ce sont que les caractéristiques spatiales et structurelles de leur croissance sont similaires à ce que nous voyons dans l'urbanisation ».

Cette nouvelle perspective d’urbanisation bactérienne sous forme de biofilms va contribuer à développer des moyens thérapeutiques, soit pour promouvoir la croissance de microbes bénéfiques, soit pour empêcher ou éliminer les biofilms indésirables.

 

  • Première constatation, un modèle d’urbanisation : dans l'ensemble, les schémas de croissance rappellent la formation de zones urbaines. Certains « colons » individuels se sont développés, formant d’abord de petits « villages », dont les limites se sont ensuite étendues de manière à se réunir pour former des bourgades puis des « villes ». Certaines de ces villes ont ensuite fusionné pour former de plus grandes « mégapoles ». Durant cette expansion, seul un sous-ensemble de bactéries se développe, les autres mourant ou étant englouties par la croissance d'autres microcolonies. Ainsi, à certains stades, plusieurs colonies fusionnent et commencent à se développer comme une seule unité.
  • Seconde constatation, un lien physique unit les bactéries : ici, il s’agit d’une sécrétion semblable à une colle connue sous le nom de substances polymères extracellulaires (EPS) qui permet aux bactéries de s'assembler étroitement et fermement dans le biofilm. D’ailleurs lorsque les scientifiques ajoutent une enzyme qui digère l'EPS, les communautés se dissolvent et retournent à un destin solitaire. En synthèse, sans EPS, les bactéries perdent la capacité de s’urbaniser de manière dense.
  • Troisième constatation, la ville peut être envahie par l’ennemi : l'ajout d'un « ami » ou d’un « ennemi » microbien influence en effet la croissance de la bactérie d'origine. L’expérience est réalisée avec l’ennemi Streptococcus oralis, une bactérie connue pour inhiber la croissance de S. mutans. Cet ajout a considérablement réduit la capacité de S. mutans à former de plus grandes « villes », constatent les chercheurs. En revanche, l’ami, ici le champignon Candida albicans qui s’allie à S. mutans dans les biofilms et contribue à la carie dentaire n'affecte pas le taux de croissance du biofilm mais permet au contraire son développement.

 

« Nous ne prétendons pas que ces bactéries sont anthropomorphes », concluent les scientifiques. « Mais adopter cette perspective de la croissance du biofilm nous apporte une image multidimensionnelle de leur croissance et de la manière dont nous pourrions la réguler ».

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