CANCER : Il déphase l’horloge biologique pour se développer
De précédentes études ont montré le lien moléculaire entre 2 cycles biologiques, le rythme circadien et le cycle cellulaire et suggéré qu’en théorie, notre horloge interne devrait pouvoir réguler le cycle cellulaire hyperactif des cancers et exercer ainsi un rôle suppresseur de tumeur. Cette étude de l’Université médicale de Caroline du Sud confirme cette hypothèse en identifiant des protéines mal repliées qui provoquent ces perturbations du rythme circadien qui contribuent à la croissance tumorale. Le cancer supplante l'horloge circadienne pour survivre et se développer, mais un mécanisme clé de l'horloge circadienne s'oppose à ce processus, selon ces travaux présentés dans la revue Nature Cell Biology, qui soulignent ainsi l'intérêt des chronothérapies.
Ainsi, les cellules tumorales utilisent une réponse protéique « dépliée » pour modifier le rythme circadien, ce qui contribue à une plus grande croissance tumorale :
- pour que les tumeurs se développent et se propagent, les cellules cancéreuses doivent produire des quantités plus importantes d'acides nucléiques et de protéines, afin qu'elles puissent se répliquer ;
- dans les cellules normales et cancéreuses qui augmentent leur synthèse de protéines, un petit pourcentage de ces protéines ne se replient pas correctement ;
- dans ce cas de figure, la cellule active sa réponse protéique dépliée (UPR), ce qui ralentit la production de nouvelles protéines ;
- si l'accumulation de protéines mal repliées devient toxique et conduit à la mort cellulaire, les cellules cancéreuses ont appris à détourner l’horloge pour ralentir la synthèse des protéines en cas de besoin, afin de gérer l'accumulation de protéines mal repliées. Elles parviennent ainsi à survivre dans des conditions toxiques pour les cellules saines.
Les chercheurs décryptent ici ce processus d'adaptation des cellules tumorales et qui consiste à détourner prendre une voie pour l'utiliser à leur avantage et montrent que cette réponse protéique dépliée des cellules tumorales leur permet de manipuler l'horloge circadienne de manière à leur permettre de survivre dans des conditions toxiques : dans une première série d'expériences, l'équipe de recherche utilise des produits chimiques pour activer cette réponse protéique dépliée dans les cellules d'ostéosarcome. Ils constatent alors que cette réponse induit les niveaux d'une protéine clé appelée Bmal1, associée à l’horloge biologique et qui régule l'expression des principaux gènes du rythme circadien. Normalement, lorsque les cellules sont exposées à des cycles de lumière et d'obscurité, les niveaux de Bmal1 marquent un pic pendant les heures d’obscurité, mais une fois la réponse protéique dépliée chimiquement activée, ce n’est plus le cas, Bmal1 restait faible pendant les phases claires et sombres, ce qui déphase l'expression des gènes circadiens. Et plus cette réponse protéique est fortement activée, plus les niveaux de Bmal1 sont réduits et les rythmes circadiens perturbés.
Quelles implications concrètes pour le développement/traitement du cancer ? L'équipe montre également que les patients atteints de cancers du sein, de l'estomac ou du poumon survivent plus longtemps lorsqu'ils ont des taux plus élevés de protéine Bmal1, c’est-à-dire en cas d’horloge biologique correctement régulée. La perte de la protéine Bmal1 est associée à la croissance des tumeurs. Bref, l’étude confirme que le cancer humain supprime le rythme circadien en contrôlant la synthèse des protéines à travers Bmal1.
Les changements de rythme circadien contribuent-ils au développement du cancer chez les humains ? Ce n'est pas encore clair, concluent les auteurs -même si de nombreuses études ont déjà associé des perturbations de l’horloge biologique (par le travail de nuit ou par quarts par exemple), au risque de certains cancers. Cependant ces résultats confirment le rôle clé de l’horloge dans la croissance des cancers et pourraient aider les cliniciens à renforcer l'efficacité des traitements actuels.
Les promesses des chronothérapies sont à nouveau évoquées : c’est en effet un nouvel argument favorable à l’administration des thérapies à un certain moment de la journée, ce qui pourrait logiquement apporter une efficacité contre le cancer et réduire le risque de toxicité dans les cellules saines.
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