COVID : Sa deuxième vague est neuropsychiatrique
Les recherches se font de plus en plus nombreuses sur les répercussions durables du COVID, que ce soit en termes de comorbidités physiques et cognitives avec la prévalence élevée du COVID long ou en termes de santé mentale avec des troubles psychiatriques qui restent encore trop négligés. Cette recherche, menée par une équipe de psychiatres et de psychologues de l'Université de Chicago décrypte les processus en cause dans l’émergence de ces problèmes de santé mentale, liés au COVID, à la fois sévères et durables : l’équipe invoque ici, dans la revue Hospital Pediatrics, à la fois des facteurs sociétaux et biologiques et appelle à une meilleure prise en charge de cette 2è vague, neuropsychiatrique.
Si la vie sociale a repris, « normalement », les séquelles de la pandémie mondiale sont toujours visibles : « Le COVID a touché toute une génération à tous les niveaux », résume l’un des auteurs principaux, le Dr Khalid Afzal, psychiatre pédiatrique à l'Université de Chicago. Un point de vue de clinicien perceptible aussi sur les réseaux sociaux, où de très nombreuses personnes partagent ce sentiment général de l’impact significatif du COVID sur la santé mentale. Pour certains même, il s’agit d’un traumatisme collectif dont nous mettrons des années à guérir.
Le temps de l’analyse de ce traumatisme est venu,
avec un recul sur les données de santé mentale, sur les tentatives de suicide et les visites aux urgences liées au suicide, relève le Dr Afzal.
Des raisons sociales et sociétales : ces données d’incidence ont considérablement augmenté, que ce soit chez les enfants ou chez les adultes, quelques mois après le début de la pandémie et poursuivent leur augmentation. C’est aussi le cas des données de prévalence de l'anxiété et de la dépression -certains centres de traitement psychiatrique, aux Etats-Unis, ayant même signalé des temps d'attente plus longs, la demande de soins dépassant aujourd’hui leur capacité.
« Dès les premiers mois, les gens se sont rendu compte que la situation n’allait pas changer de sitôt. Et plus ils s’isolaient, plus cet isolement s’ajoutait à d’autres facteurs de stress comme les soucis financiers et la peur de mourir. Aujourd’hui, les conséquences sont sévères en santé publique ».
Des raisons « virales », ou comment un virus respiratoire peut affecter le cerveau : moins évidents en effet sont les impacts directs des changements biologiques liés à la maladie COVID en particulier sur le cerveau et le comportement. Bien que le COVID-19 soit avant tout lié à une infection par un virus respiratoire, il attaque de nombreux systèmes de l’organisme et provoque cette inflammation sévère et dangereuse.
- Les recherches ont également démontré que les patients, ayant eu le COVID et souffrant de troubles psychiatriques graves, tels que la schizophrénie et le trouble bipolaire, étaient aussi plus vulnérables à l’infection au COVID-19. Leurs troubles psychiatriques avaient alors tendance à s’aggraver.
- Les personnes exemptes de diagnostic psychiatrique avant le COVID ne sont pas non plus restées indemnes d’effets neurologiques. Beaucoup de patients ont développé ces symptômes de « COVID long » dont la douleur, un brouillard mental, le manque d’attention, des troubles de la mémoire, la dépression, l’anxiété, la fatigue et l’irritabilité voire des troubles de l’humeur.
L’équipe documente ici les voies causales dans les deux sens entre l'activation immunitaire et la fonction cérébrale, qui affectent le comportement et les émotions, et le lien très fort entre l'activation immunitaire et la régulation de l’humeur.
L’activation immunitaire peut provenir directement du virus lui-même ou être déclenchée indirectement par le stress et la peur.
- Enfin, même les personnes ayant eu le COVID, et qui n’ont pas développé de symptômes cérébraux ou cognitifs évidents, peuvent quand même ressentir des symptômes plus subtils comme une irritabilité accrue.
Une surveillance mentale s'impose : post-COVID, la santé mentale doit donc aussi être surveillée et contrôlée. Et si des changements brusques dans la santé mentale apparaissent, il est toujours pertinent de se demander :
« À quand remonte ma dernière infection au COVID-19 ? »
Et les médicaments ? Ils ont pour certains, peut-être amplifié ces effets. Une équipe de l'UChicago a récemment publié une étude mettant en évidence les problèmes de sécurité liés à une substance thérapeutique courante : l'acétaminophène (paracétamol). Cette utilisation élargie du médicament a aussi eu ses effets indésirables, dont l’augmentation des appels aux lignes d’assistance anti-poison, des tentatives présumées de suicide par surdose d’acétaminophène. Les admissions à l’hôpital liées à l’acétaminophène sont devenues beaucoup plus fréquentes à l’ère du COVID, en particulier chez les enfants âgés de 8 à 18 ans…
Vers une ETP de masse : « En tant que société, nous devons nous éduquer, reconnaître que ces effets mentaux sont bien réels et développer nos systèmes de santé de manière à pouvoir apporter un soutien individualisé. Il est important de
considérer les gens comme des survivants plutôt que comme des victimes.
Nous sommes naturellement résilients, mais la façon dont nous parlons affecte la façon dont nous avançons ».
« Notre réponse a été trop tardive : dans les 2 ou 3 années qui ont suivi ma pandémie, la prévalence des troubles psychiatriques a augmenté et de nouveaux troubles ont émergé, probablement en raison de l’activation immunitaire.