DÉMENCE : Pourquoi elle mène à la somnolence
Pourquoi la démence et précisément la maladie d'Alzheimer favorise la somnolence ? Cette recherche de l’Université de Californie - San Francisco montre pour la première fois que la maladie détruit les neurones-mêmes qui nous tiennent éveillés. Ces travaux, présentés dans la revue Alzheimer's and Dementia, suggèrent que les enchevêtrements de Tau, et non les plaques d'amyloïde, s'attaquent à ces neurones clés et sont ainsi responsables de ces accès de somnolence diurne, juste avant l’apparition de la démence. Ces conclusions viennent confirmer que les troubles du sommeil sont un facteur prédictif fréquent, chez les personnes très âgées du développement de la démence.
Les chercheurs mais aussi les soignants et les aidants avaient déjà noté qu'un nombre excessif de siestes diurnes pouvait intervenir chez ces patients, bien avant l’apparition des troubles de mémoire associés à la maladie d'Alzheimer. De précédentes études ont mis ces siestes excessives « sur le dos » d’un manque de sommeil nocturne causé par les perturbations liées à la maladie dans les zones cérébrales favorisant le sommeil. D’autres études ont invoqué la responsabilité même des troubles du sommeil dans le développement de la maladie. Ces scientifiques californiens avancent une toute nouvelle explication biologique : la maladie d'Alzheimer attaque directement les zones du cerveau responsables de la veille au cours de la journée.
Le réseau neuronal de l’éveil, première victime de la maladie
La recherche démontre que ces zones du cerveau (dont fait partie la zone touchée par la narcolepsie) sont parmi les premières victimes de la neurodégénérescence, dans la maladie d'Alzheimer. Ces siestes diurnes excessives - en particulier lorsqu'elles surviennent en l'absence de troubles graves du sommeil nocturne - pourraient donc constituer un signe d'alerte précoce de la maladie.
Tau attaque les zones cérébrales de l’éveil : en associant ces dommages à la protéine tau, l'étude ajoute à la preuve que celle-ci contribue plus directement à la dégénérescence du cerveau qui entraîne les symptômes d'Alzheimer que la protéine amyloïde plus largement étudiée : « Nos travaux apportent des preuves irréfutables que les zones du cerveau favorisant l'éveil dégénèrent avec l'accumulation de tau - et non l’accumulation de protéine amyloïde - dès les premiers stades de la maladie », explique l’auteur principal, Lea T. Grinberg, chercheur et professeur de neurologie et de pathologie au Centre de mémoire et du vieillissement de l'UCSF.
L’équipe a mesuré avec précision les taux de protéine tau et le nombre de neurones dans 3 zones du cerveau impliquées dans la promotion de l'état de veille chez 13 patients décédés dont 6 précédemment diagnostiqués avec la maladie d’Alzheimer et 7 sujets témoins en bonne santé. L’analyse montre que par rapport aux cerveaux sains,
- les cerveaux des patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentent une accumulation importante de tau dans les 3 centres cérébraux favorisant la veille, à savoir le locus coeruleus (LC), la région hypothalamique latérale (LHA) et le noyau tuberomammillaire (TMN) ;
- ces 3 régions ont perdu jusqu'à 75% de leurs neurones.
Et lorsque l’équipe étudie des échantillons de cerveau de 7 patients atteints de paralysie supranucléaire progressive (PSP) et de maladie corticobasale (CBD), 2 autres formes de démence neurodégénérative provoquée par une accumulation de tau, contrairement aux cerveaux atteints par la maladie d'Alzheimer, les neurones favorisant l'éveil semblent épargnés, en dépit de niveaux comparables d'accumulation de tau.
C’est tout un réseau qui dégénère : ainsi, avec la maladie d’Alzheimer, ce n’est pas seulement un noyau cérébral qui dégénère, mais tout le réseau de promotion de la veille, expliquent les scientifiques : « cela signifie que le cerveau n'a aucun moyen de compenser car tous les types de cellules fonctionnellement liées dans la fonction de veille sont détruits en même temps ». De précédentes études de la même équipe avaient déjà montré que les personnes décédées avec des taux élevés de protéine tau dans le tronc cérébral avaient déjà commencé à connaître des changements d'humeur, tels qu’avec l'anxiété et la dépression, ainsi que des troubles du sommeil.
Ces données suggèrent que les médecins et les chercheurs devraient être beaucoup plus concentrés sur la compréhension des premiers stades de l'accumulation de tau dans ces zones du cerveau, qui semble plus étroitement liée aux symptômes réels de la maladie d'Alzheimer que la protéine amyloïde plus largement étudiée.
L’attention accrue portée au rôle de la protéine tau dans la maladie d’Alzheimer suggère que les traitements en cours de développement qui traitent directement de la pathologie de la protéine tau (tauopathie) auraient tout du moins le potentiel d’améliorer le sommeil et d’autres symptômes précoces de la maladie, mais peut-être aussi son évolution globale.
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