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L'ÉPIGÉNÉTIQUE pour reprogrammer le comportement social

Actualité publiée il y a 8 années 9 mois 1 semaine
Science

Cette équipe de l’Université de Pennsylvanie montre, chez les fourmis, des insectes « très sociaux », que le comportement social peut être reprogrammé, via l'épigénétique et non la génétique. Le comportement social n’est donc pas figé « dans la pierre » ou dans nos gènes ? Cette découverte de processus épigénétiques malléables dans le cerveau, présentée dans la revue Science, a des implications pour l'étude du comportement humain et de certains troubles du comportement. D’autant que ces processus tournent autour d’une enzyme clé déjà impliquée dans certains troubles du comportement chez l’Homme aussi.

Les fourmis sont des insectes « sociaux », elles vivent en communauté avec leurs parents génétiques proches. La communauté est organisée en castes comportementales et, chez certaines espèces, en groupes morphologiques. Ce système de caste permet la division du travail. Mais quel est le rôle de la régulation moléculaire sur le comportement spécifique de chaque caste et sur la division du travail ? Cette étude commence à décrypter comment des caractéristiques épigénétiques, c'est-à-dire liées à l'expression des gènes et non aux gènes eux-mêmes, induisent les comportements sociaux.


Les fourmis constituent un modèle idéal pour étudier la société et le comportement social. Dans ces colonies de fourmis charpentières, il y a 2 types de castes de travailleuses distinctes, les « mineures » et les « majeures », qui présentent des comportements sociaux différents tout au long de la vie. Pourtant, ces fourmis sont porteuses d'une génétique presque identique, un peu comme des jumeaux humains et pourtant certains traits physiques et certains comportements sont spécifiques à la caste.

Des comportements spécifiques à chaque caste qui ne sont pas figés à vie : ils peuvent e effet être reprogrammés, démontrent les auteurs. Plus précisément, l'épigénétique d'un individu, au-delà de sa génétique, détermine aussi le comportement. Les modifications épigénétiques étant des changements stables ou persistants, dans l'expression génique qui se produisent sans modification de la séquence d'ADN. A ce jour, les mécanismes épigénétiques qui régulent le comportement social restent mal connus. L'équipe avait déjà créé de premières cartes épigénétiques du génome entier des fourmis et avait constaté que la régulation épigénétique est la clé de ces différences de castes : Les grandes fourmis ont de grandes têtes et de grosses mandibules puissantes pour pouvoir vaincre leurs ennemis et transporter de gros articles alimentaires. Les fourmis mineures sont beaucoup plus petites, plus nombreuses et sont vouées à recherche de nourriture et au recrutement d'autres fourmis pour aider à la récolte. Chez les fourmis mineures, les gènes impliqués dans le « butinage » sont exprimés plus fortement.

Le comportement spécifique à chaque caste peut être reprogrammé : les scientifiques y parviennent en modifiant l'équilibre de produits chimiques épigénétiques appelés groupes acétyles attachés à des complexes d'histones (protéines). L'équipe démontre en utilisant des composés qui inhibent l'ajout ou la suppression de ces groupes acétyle sur les histones (acétylation des histones), qu'il est possible de modifier l'expression de gènes voisins.

La malléabilité du comportement démontré ici chez la fourmi, pourrait se révéler possible chez d'autres animaux et probablement chez l'Homme, alors que l'acétylation des histones est un processus épigénétique existant aussi chez les humains. Il serait alors possible de créer des différences spectaculaires dans l'expression des gènes d'individus génétiquement identiques, avec des conséquences autant physiques que comportementales…

Une fenêtre de vulnérabilité épigénétique précoce : enfin, ces données surprenantes suggèrent aussi qu'il existe une « fenêtre de vulnérabilité épigénétique » dans les jeunes cerveaux de fourmis, avec une sensibilité accrue à ces manipulations ou aux facteurs environnementaux. Un gène important semble impliqué dans cette étude sur la fourmi : il s'agit de CBP, une enzyme « écrivain épigénétique » déjà été impliquée comme une enzyme facilitant l'apprentissage et la mémoire chez les souris et qui mutée, chez l'Homme est associée à certains troubles cognitifs.

Une protéine importante donc au rôle clé dans l'adoption de comportements sociaux distincts chez les fourmis mais peut-être aussi chez l'Homme ?


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