LOCOMOTION : Sur longues distances, le cerveau sait lever le pied
Pour les insectes, voler est un moyen rapide de se déplacer pour trouver de la nourriture, identifier un partenaire ou échapper aux dangers. Si les muscles apportent la capacité physique de voler, ou chez les humains de se déplacer, c'est bien le cerveau qui coordonne la planification stratégique du mouvement. Pour la mouche, il s’agit utiliser sa capacité olfactive pour détecter la présence d'aliments, puis parcourir la distance pour l'atteindre, ce qui peut nécessiter un vol de plusieurs minutes, voire d'une heure ou plus. Comment le cerveau coordonne-t-il sa planification sur une si longue distance ? Cette équipe du Centre national des sciences biologiques de Bangalore (Inde) nous apporte, avec ces travaux sur la mouche Drosophila melanogaster, de premiers éléments de réflexion sur ce même processus de planification du mouvement à long terme chez l’Homme.
L’équipe dirigée par le professeur Gaiti Hasan, décrit ici comment différents groupes de neurones se connectent pour déclencher puis permettre le vol des insectes pendant de si longues périodes. Mais plus surprenant, c’est en relâchant « un frein » dans ce réseau, qu’un groupe spécifique de neurones permet aux mouches de rester en vol pendant de si longues durées.
Les scientifiques identifient quels types de neurones sont en jeu et comment ils se coordonnent durant le vol :
- Les neurones octopaminergiques sont les coordonnateurs du vol : alors que les neurones communiquent via des neurotransmetteurs, une classe de neurotransmetteurs appelés monoamines (dont l’octopamine, la dopamine et la sérotonine) apparait comme régulatrice du vol des insectes. Ainsi, la perte des neurones octopaminergiques va empêcher les insectes de voler pendant de longues périodes.
- Les neurones du noyau « PAM (Protocerebral Anterior Medial) un groupe de neurones producteurs de dopamine, va dialoguer avec les neurones octopaminiques, ces derniers générant des signaux calciques dans les neurones PAM. Ce sont les neurones PAM qui régulent la durée des vols.
- Enfin, des neurones « de sortie » produisant du GABA, un neurotransmetteur inhibiteur bien connu, proches des neurones PAM, jouent le rôle de frein. Ils vont être désactivés par les PAM durant le vol.
Précisément, à l’aide de différentes expériences génétiques, les chercheurs démontrent, chez la mouche drosophile, la présence d’une activité dans les neurones PAM pendant le vol. Lorsqu’ils activent artificiellement ces neurones dopaminergiques PAM, ils constatent que l'activité des neurones de sortie GABAergiques est réduite au silence. Et lorsqu’ils activent en continu, artificiellement ces neurones de sortie GABAergiques, ils observent que les mouches sont incapables de voler pendant de longues durées.
C’est comme conduire sa voiture sur une pente, avec son pied sur le frein. Pour rouler doucement il suffit de relâcher le frein. C'est exactement ce qui se passe chez les mouches. Au repos, les neurones de sortie GABAergiques sont actifs et libèrent du GABA, ce qui met les freins et empêche le vol mais au décollage, les neurones dopaminergiques PAM inhibent activement les neurones GABAergiques, ce qui réduit la diffusion de GABA. Ce mécanisme qui lève le frein et permet le vol, aide aussi la mouche à économiser l’énergie lui permet de voler plus longtemps.
Et chez l’Homme ? Les chercheurs imaginent qu’une diaphonie neuronale similaire permet la locomotion chez les mammifères. Il est d’ailleurs déjà connu que chez l'homme, le GABA libéré par le ganglion basal contribue au maintien de l'état de repos. Lorsque les signaux appropriés sont reçus, ces « freins » GABA sont relâchés pour permettre le mouvement.
Les freins neuronaux ne sont donc pas conçus uniquement pour gêner le mouvement, ils permettent aussi d’éviter les mouvements inutiles, d’économiser l’énergie et ne sont relâchés qu’en cas de déplacement de longue distance.
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