TABAGISME et COVID-19 : Une relation toxique
Plusieurs études ont déjà porté sur les relations possibles entre le tabagisme et l'épidémie de pneumonie COVID-19 qui affecte, majoritairement, mais pas seulement le système respiratoire. Ces données, majoritairement en provenance de Chine, publiées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS(1)) et certaines revues spécialisées (comme Tobacco Induced Diseases-TID)(2) et le Lancet Respiratory Medicine (3)) précisent l’impact du tabagisme sur la susceptibilité à l’infection, la sévérité des symptômes et le risque de décès avec COVID-19. En pratique, c’est vraiment le moment d’arrêter de fumer.
Alors que COVID-19, l’épidémie de pneumonie associée au nouveau coronavirus SARS-CoV-2 semble maitrisée en Chine (avec toujours 81.000 cas confirmés) mais « explose » dans le reste du monde, avec un total de 315.000 cas confirmés dont 230.000 hors de Chine et dans 169 pays, les épidémiologistes évaluent les relations entre l’infection et sa sévérité et les comorbidités chroniques préexistantes ou encore certains facteurs de mode de vie. Parmi ces facteurs de risque environnementaux, il en est un sur lequel on ne peut que s’interroger, le tabagisme, le facteur le plus fortement associé aux troubles respiratoires. On sait que COVID-19 peut également endommager le système respiratoire.
Prévalence, symptômes et décès accrus chez les fumeurs
Tabagisme et infections respiratoires, une cohabitation si fréquente : le tabac impacte considérablement la santé respiratoire et est reconnu comme le facteur de risque le plus important de maladie pulmonaire obstructive chronique et d’infection des voies respiratoires inférieures. Or le coronavirus SARS-CoV-2 qui cause COVID-19 affecte principalement le système respiratoire, entrainant souvent des lésions respiratoires légères à sévères.
Le tabagisme nuit également au système immunitaire et à sa réponse aux infections, ce qui rend les fumeurs plus vulnérables aux maladies infectieuses. Ainsi, de précédentes études ont montré que les fumeurs sont 2 fois plus susceptibles que les non-fumeurs de contracter la grippe et vont développer des symptômes grippaux plus sévères et connaître une mortalité plus élevée.
Il reste cependant, étant donné la nouveauté clinique du virus et de l’épidémie, à préciser les liens entre le tabagisme et la maladie.
Tabagisme et symptômes sévères : de premières données présentées fin février dans le New England Journal of Medicine (4), montrent que les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires et respiratoires liée au tabagisme, sont plus à risque de développer des symptômes sévères avec COVID-19.
L’analyse des caractéristiques cliniques dans TID (2) de 140 patients atteints de COVID-19 montre que :
- parmi les patients ayant développé une forme sévère de la maladie, 3,4% étaient des fumeurs actuels et 6,9% étaient d'anciens fumeurs,
- parmi les patients ayant développé une forme plus légère de la maladie, aucun n’était fumeur et seuls 3,7% étaient d'anciens fumeurs.
- Cela suggère -certes sur un échantillon limité- que les fumeurs encourent un risque multiplié par 2,23 de maladie plus sévère.
Tabagisme et risque de décès : une recherche menée en Chine sur 55.924 cas confirmés (1) montre un taux de mortalité lié à COVID-19 beaucoup plus élevé chez les personnes atteintes de comorbidités dont les maladies respiratoires chroniques. Cela suggère que ces conditions préexistantes peuvent contribuer à accroître la susceptibilité à COVID-19.
Une méta-analyse de 5 études, issues d’une première sélection de 71, publiée très récemment dans TID (2) portant au total sur 191 personnes infectées par COVID-19, montre que sur 54 décès enregistrés, 9% étaient des fumeurs actuels vs 4% de fumeurs sur les 137 patients guéris.
Une étude plus large, menée auprès de 1.099 patients atteints de COVID-19 de plusieurs régions de Chine continentale, également présentée dans TID (2) révèle que :
- chez les patients présentant des symptômes sévères, 16,9% étaient des fumeurs actuels et 5,2% étaient d'anciens fumeurs,
- chez les patients présentant des symptômes légers, 11,8% étaient des fumeurs actuels et 1,3% étaient d'anciens fumeurs ;
- chez les patients ayant eu besoin d'une ventilation mécanique, d'une admission aux soins intensifs ou qui sont décédés, 25,5% étaient des fumeurs actuels et 7,6% étaient d'anciens fumeurs ;
- chez les patients guéris, seulement 11,8% étaient des fumeurs actuels et 1,6% étaient d'anciens fumeurs.
Et la susceptibilité à l’infection ? Une étude publiée dans le Lancet Respiratory Medicine (3) plus axée sur la biologie de l'infection virale suggère que le tabagisme pourrait être un facteur de prévalence et de gravité de la maladie COVID-19. Pourquoi ? Le tabagisme est lié à une expression plus élevée d'ACE2 (le récepteur du SARS-CoV-2). Cette association pourrait de plus contribuer à expliquer pourquoi plus d’hommes que de femmes développeraient la maladie.
Tabagisme, MCV et COVID-19, une relation à ne pas oublier : enfin, si les maladies cardiovasculaires (MCV) sont moins évoquées autour de la nouvelle pneumonie COVID-19, les experts rappellent le risque accru de symptômes plus sévères et de décès chez les patients atteints de COVID-19 et de MCV sous-jacentes (MCV). Ils soulignent que le SARS-CoV-2 appartient à la même famille que le MERS-CoV et le SARS-CoV, 2 virus largement documentés comme associés à des lésions cardiovasculaires. Cette relation entre COVID-19 et la santé cardiovasculaire ne doit pas être oubliée lorsque l’on étudie la relation entre tabagisme et COVID-19. Car le tabagisme et le tabagisme passif sont des causes majeures de MCV. Un système cardiovasculaire plus faible chez les patients fumeurs ou ex-fumeurs atteints de COVID-19 accroît très probablement la sévérité des symptômes et le risques de décès.