INFECTIONS NOSOCOMIALES : La bactérie était là depuis le début
La bactérie était déjà là, cachée dans le patient, en état de dormance et a été réactivée par un geste médical : voilà un tout nouveau paradigme dans la survenue des infections nosocomiales. Toutes ne seraient pas induites par une contamination au sein de l’hôpital et certaines se développeraient, chez certains patients, à partir de leurs propres bactéries. Cette étude menée sur la souris par une équipe d’infectiologues et microbiologistes de l'Université de Washington apporte une vision complémentaire fondamentale de l’émergence de ces infections à l’hôpital.
Les hôpitaux ont des protocoles d'hygiène et d’asepsie stricts pour protéger les patients contre ces bactéries qui affectent rarement les personnes en bonne santé, mais qui peuvent être mortelles pour les patients vulnérables déjà hospitalisés. On estime ainsi à 3,8/100.000 patients-année, l’incidence des décès qui surviennent à la suite de ces infections dans les hôpitaux. En dépit de nombreuses recherches, protocoles, mesures de désinfection et de prévention, de nouvelles souches bactériennes continuent d'émerger induisant un nombre croissant d’infections nosocomiales résistantes au médicaments.
Des bactéries surgies de nulle part ?
Cette étude menée chez la souris révèle une nouvelle voie de développement de ces infections : celle de certaines interventions médicales qui pourraient réveiller des bactéries dormantes et cachées. Les chercheurs de St. Louis réunissent en effet les preuves d’une source inattendue de telles bactéries : les patients hospitalisés eux-mêmes.
L’étude révèle que les infections des voies urinaires peuvent survenir après l'insertion de cathéters dans les voies urinaires, alors même lorsqu'aucune bactérie n'est détectable dans la vessie au préalable- les cathéters étant couramment utilisés pour le sondage urinaire des patients subissant une intervention chirurgicale-.
- Ainsi, chez les souris, l'insertion d’un cathéter peut activer les bactéries dormantes Acinetobacter baumannii (A. baumannii) cachées dans les cellules de la vessie, déclenchant leur activité et leur multiplication ce qui finit par provoquer l’infection urinaire.
Quelle mesure possible contre cette source bactérienne ? le dépistage de ces réservoirs cachés de bactéries dangereuses devrait venir compléter les efforts de prévention des infections, soulignent les chercheurs.
« Vous pourriez stériliser tout l'hôpital et vous auriez encore de nouvelles souches d'A. baumannii surgissant. Le nettoyage et la désinfection ne suffisent pas. Notre étude montre que les patients peuvent eux-mêmes transporter involontairement la bactérie à l'hôpital, avec des implications majeures pour le contrôle des infections. Un patient qui va subir une chirurgie élective et va être cathétérisé, devrait être « dépisté » pour ces bactéries et traité, si nécessaire avant la chirurgie ».
L’exemple de A. baumannii est particulièrement marquant, car la bactérie est une menace majeure pour les personnes hospitalisées, provoquant de nombreux cas d'infections urinaires chez les patients portant des cathéters urinaires, de pneumonie chez les personnes sous ventilateurs et d'infections du sang chez les personnes portant des cathéters centraux dans leurs veines. Les bactéries sont résistantes à une large gamme d'antibiotiques, ces infections sont très difficiles à traiter et peuvent entraîner le décès.
Le même processus est vérifié avec la bactérie Escherichia coli (E. coli), responsable aussi d’un grand nombre d’infections urinaires chez des patients par ailleurs en bonne santé. La recherche montre qu’E. coli aussi peut se cacher dans les cellules de la vessie pendant des mois après qu'une infection urinaire semble avoir été guérie, puis réapparaît pour déclencher une nouvelle infection.
« La bactérie peut être là depuis le début, se cachant à l'intérieur des cellules de la vessie jusqu'à ce que la pose du cathéter. Le cathétérisme induit une inflammation, et l'inflammation provoque l'activation du réservoir et l'infection se développe ».
2 % des personnes en bonne santé sont porteuses d'A. baumannii dans leur urine.
« Alors qu’un certain pourcentage de la population se promène avec A. baumannii, tant que ces personnes sont en bonne santé, cela ne pose aucun problème, mais une fois qu'elles sont hospitalisées, c'est une autre affaire. Ces nouvelles données modifient, de manière drastique la manière dont nous devons penser au contrôle des infections. Nous devons réfléchir au meilleur moyen de dépister les patients, en amont de certains protocoles de traitement.
D'autres bactéries qui provoquent des épidémies mortelles dans les hôpitaux, telles que Klebsiella, se cachent probablement également dans le corps de nos patients ».
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