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OPIOÏDES : La cascade moléculaire qui mène à la dépendance

Actualité publiée il y a 4 années 4 mois 3 semaines
Cell Reports
En cas d’expositions quotidiennes répétées à la morphine, l’équilibre de l’activité des deux types de neurones est modifié et donne l’avantage aux neurones D2 qui inhibent le signal de récompense

Ces experts en "substances" du Scripps Research (La Jolla) viennent de décrypter le processus moléculaire clé dans les cellules du cerveau à l'origine du développement de la dépendance et de la toxicomanie. Avec plusieurs cibles en puissance, le noyau accumbens, une zone déjà bien connue du système de récompense et de motivation du cerveau mais aussi une voie de signalisation impliquant une molécule messagère appelée AMP cyclique (AMPc). Ces nouvelles données, documentée dans les Cell Reports, ouvrent la voie à de futurs traitements de la dépendance, mais pas seulement.

 

Les overdoses, liées aux différentes substances, dont les opioïdes, tuent environ 70.000 personnes aux États-Unis chaque année. En France, on estime à 500 chaque année, le nombre de décès liés aux opioïdes. Il n’existe aujourd’hui aucun traitement définitivement efficace de la toxicomanie. Et, selon cette équipe californienne, spécialisée dans la dépendance aux différentes substances, un traitement efficace ne peut passer que par une connaissance précise des mécanismes moléculaires sous-jacents dans le cerveau.

Tenter d’inverser les changements moléculaires liés à la prise répétée d’opioïdes

Les chercheurs ont utilisé une technique d'imagerie avancée pour visualiser l'activité des cellules cérébrales lors de l'exposition à un opioïde, dans une zone du cerveau reconnue pour son importance dans la dépendance. Ils montrent que ces changements clés dans les cellules cérébrales sont caractéristiques de la toxicomanie, contribuent à maintenir l’état de dépendance et s'accompagnent de changements particuliers dans une voie de signalisation impliquant une molécule messagère appelée AMP cyclique (AMPc).

 

Une zone clé, le noyau accumbens : les scientifiques ont utilisé un système de capteurs pour suivre, chez un modèle animal, les niveaux d'AMPc dans les neurones du noyau accumbens, une zone du système de récompense et de motivation du cerveau, fortement impactée par la dépendance. Les opioïdes, comme d’autres substances, induisent une poussée de dopamine dans le noyau accumbens. Lorsque cela se produit à plusieurs reprises, le traitement de la récompense et de la motivation est altéré et une dépendance se développe notamment via l'augmentation de la tolérance au médicament, de sorte que des doses toujours plus élevées sont nécessaires. D’autres symptômes apparaissent comme le « craving » et la dysphorie en particulier en cas de manque ou de sevrage.

 

Une voie clé, la signalisation de l'AMPc par les récepteurs de la dopamine sur les neurones du noyau accumbens est modifiée par une exposition répétée aux opioïdes. Les chercheurs montrent que les injections de morphine et le flot de dopamine qui en résulte dans le noyau accumbens, entraînent des changements distincts dans la signalisation de l'AMPc chez 2 types de neurones sensibles à la dopamine, les neurones exprimant les récepteurs D1 et D2.

  • Une dose initiale de morphine rend les neurones D1, dont l'activité est associée à des expériences positives, beaucoup plus sensibles à la dopamine sur la base de leur signalisation par l'AMPc par rapport aux neurones D2, censés inhiber le signal de récompense ;
  • mais en cas d’expositions quotidiennes répétées à la morphine, l’équilibre de l’activité des deux types de neurones est modifié et donne l’avantage aux neurones D2 qui inhibent le signal de récompense.

 

Ces résultats expliquent clairement cette spirale descendante de l’accoutumance qui mène à la dépendance.

 

Cibler la voie AMPc pour réduire la dépendance : L’auteur principal, le Dr Kirill Martemyanov, professeur et président du département de neuroscience du Scripps Research, pense possible, en ciblant cette voie, de réduire les envies de drogue (craving) et la dysphorie (affects négatifs) du sevrage. Ainsi, inverser ces modifications de l'AMPc au profit des neurones D1 peut supprimer ou réduire les signes comportementaux de dépendance chez les modèles animaux.

 

En outre, le développement de ce nouvel outil d'imagerie des réponses AMPc, va permettre d’étudier toute une variété de circuits dans le cerveau pour mieux comprendre comment la signalisation AMPc est à la base des processus cognitifs et motivationnels. Avec des implications bien au-delà de la toxicomanie, pour le traitement de la dépression par exemple.

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