ORTHOPHONIE : La télémédecine aussi ?
L’utilisation de plateformes de visioconférence pour l'orthophonie (comme Zoom ou Microsoft Teams par exemple) a rendu d’énormes services durant la pandémie, cependant, préviennent ces experts de l’Université de Boston, la « téléthérapie vocale » présente un défi unique car les cliniciens doivent se fier aux enregistrements acoustiques de la voix pour évaluer l'efficacité de leurs traitements. Le problème, souligne l’étude publiée dans le Journal of Speech Language and Hearing Research, la plupart des plateformes déforment les sons en cherchant à éliminer le bruit de fond.
Ainsi, durant la pandémie de COVID-19, les orthophonistes ont interrompu les évaluations en face-face vers ces formats virtuels. Ces chercheurs de Boston, dont l’auteur principal, Hasini Weerathunge, ont évalué la précision avec laquelle ces plateformes capturent et retransmettent les sons. Les cliniciens ont en effet plus que besoin de cette précision pour évaluer et traiter les patients souffrant de troubles de la voix et de la parole. Au total, l’équipe a testé 5 plateformes : Cisco Webex, Microsoft Teams, Doxy.me, VSee Messenger et Zoom.
Pratique de l'orthophonie en ligne, le consensus est encore loin
L’absence de lignes directrices pour la pratique de l’orthophonie en ligne a fait défaut à de nombreux praticiens, explique l’auteur. Nous avons donc cherché à déterminer l'exactitude des mesures acoustiques possibles via cette « télépratique ». Au cours de ces séances d’orthophonie à distance, un patient entre en clinique et est installé dans une cabine insonorisée équipée pour les enregistrements vocaux. Le patient répète des voyelles soutenues, comme « aaa » ou « ooo », ou lit un court passage qui reflète une grande variété de sons et de mouvements de la bouche. Les enregistrements de la voix du patient sont ensuite évalués par des algorithmes qui mesurent ses propriétés acoustiques, y compris les corrélats acoustiques de la hauteur et du volume de la voix.
Dans cette étude, l'équipe a enregistré des échantillons de voix de 29 patients, âgés de 18 à 82 ans, qui présentaient divers diagnostics de troubles de la parole ou vocaux. Ces enregistrements ont ensuite été lus aux chercheurs via un haut-parleur externe sur les plateformes de téléconférence, afin de simuler la « télépratique ». Cette étude révèle que :
- chaque plateforme possède son propre algorithme d'amélioration audio qui affecte la qualité du son ; Zoom apparaît comme la seule plateforme qui permet à ses utilisateurs de désactiver ces fonctionnalités d'amélioration audio, ce qui permet d’obtenir un audio au plus proche de la voix d’origine ;
- cependant, quelle que soit la plateforme choisie, la capacité de mesurer la fréquence vocale fondamentale (hauteur) et l'intensité vocale (volume) ne semble pas affectée de manière significative ;
- des problèmes de connexion Internet ou de bande passante affectent dans la grande majorité des cas, la qualité et l’immédiateté de la transmission des sons via les plateformes ;
- la plage dynamique de l'intensité vocale mesurée au cours de la télépratique diffère considérablement des enregistrements en direct ;
- dans l'ensemble, Microsoft Teams obtient les meilleurs résultats, dans la mesure où les différentes variables évaluées par les chercheurs sont moins fortement affectées par la plateforme ;
En conclusion, si la télépratique peut permettre de ne pas interrompre le suivi des patients en orthophonie, les chercheurs appellent ici leurs confrères orthophonistes à la prudence et les incitent à prendre en compte des effets possibles de déformation de ces plateformes de télépratique sur les évaluations vocales cliniques.
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