INFECTIONS NOSOCOMIALES : Et si l’on s’attaquait à leur persistance ?
Au sein des populations bactériennes, certaines cellules réparent l'ADN endommagé avant de reprendre leur croissance, et d'autres reprennent leur croissance avant de faire des réparations. Les chercheurs de Princeton montrent ici, dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS) que les cellules qui font les réparations avant de reprendre leur croissance sont généralement celles qui parviennent à survivre. La recherche marque une étape vers des traitements antibiotiques plus efficaces et une avancée dans la lutte contre les antibiorésistances.
Cette équipe de l’Université de Princeton montre en effet que les bactéries capables de réparer l'ADN endommagé par les antibiotiques avant de reprendre leur croissance, ont beaucoup plus de chances de survivre au traitement. C’est pourquoi le timing a toute son importance dans le processus de résistance bactérienne.
Lorsque les antibiotiques touchent une population de bactéries, une petite fraction des cellules « persistantes » survit et constitue une menace d'infection récurrente. Ici, les scientifiques de Princeton examinent une classe d'antibiotiques ciblant l'ADN bactérien. Précisément ils analysent les réponses des bactéries E. coli au traitement par l'ofloxacine, un antibiotique qui cause des dommages à l'ADN en bloquant les enzymes nécessaires à la réplication de l'ADN et à la transcription de l'ARN. De précédents travaux de chercheurs de la même équipe avaient révélé que les bactéries persistantes à l'ofloxacine avaient besoin de réparer leur ADN pour survivre.
« Cette réparation de l’ADN ne garantit pas que les bactéries vont nécessairement survivre », explique l’un des chercheurs : « Nous avons émis l'hypothèse que le moment de la réparation de l'ADN et la reprise des activités liées à la croissance, comme la synthèse de l'ADN pourrait avoir un impact sur la survie des bactéries « persévérantes » après le traitement ». L’équipe montre à l’aide d’une souche de bactérie E. coli génétiquement modifiée pour permettre aux chercheurs de contrôler sa croissance que retarder la réparation de l'ADN jusqu'à la reprise de la synthèse de l'ADN conduit à une diminution de 7 fois de la survie des cellules. Cela suggère que la persistance à l'ofloxacine dépend bien du timing de la réparation des dommages à l'ADN avant la synthèse du nouvel ADN nécessaire à la croissance.
La persistance dans un environnement « extrême » : les chercheurs examinent également le processus de persistance de cellules normales placées dans un environnement à faible teneur en nutriments pour caler leur croissance, simulant une condition que les bactéries rencontrent fréquemment chez un hôte infecté. En effet, à la suite du traitement par l'ofloxacine, si les cellules sont privées de sources de carbone pendant au moins 3 heures, elles présentent une tolérance presque complète à l'antibiotique. Cette tolérance dépend également de processus efficaces de réparation de l'ADN. Ici, les chercheurs montrent une plus grande persistance à l'égard de l'ofloxacine avec privation nutritive après traitement, chez les cellules de biofilms, impliquées dans la majorité des infections nosocomiales en milieu hospitalier.
Cet éclairage sur les mécanismes sous-jacents de la persistance est qualifié par les experts de "découverte historique" apportant de nouvelles idées fondamentales sur la façon dont « les cellules persistantes évitent la mort ». Ces travaux vont contribuer au développement de nouveaux médicaments permettant d’enrayer la persistance bactérienne pour rendre ces thérapies plus efficaces contre les infections nosocomiales courantes dont celles des voies urinaires, à staphylocoques et contre d'autres maladies bactériennes.
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