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COVID-19 et TABAGISME : Une liaison équivoque

Actualité publiée il y a 3 années 7 mois 6 jours
Annals of the American Thoracic Society
L'impact du tabac sur le développement du COVID-19 est difficile à cerner par des études cliniques et requiert des études in vitro et in vivo chez l’animal (Visuel Adobe Stock 363195079)

COVID-19 et tabagisme, « quel est le vrai deal », titrent ces chercheurs, pneumologues et urgentistes de la Johns Hopkins University (Baltimore) qui ont cherché à mieux décrypter la relation complexe entre le tabagisme et le COVID-19. Alors que de nombreuses études ont mis en avant la relation entre la nicotine et ACE2, le principal récepteur du virus SARS-CoV-2 sur la membrane des cellules hôtes, ces experts élargissent très au-delà d’ACE2, avec cet examen des preuves de la littérature, les facteurs liés au tabagisme pouvant influer sur le développement de la maladie COVID-19. Cette analyse, proposée dans les Annals of the American Thoracic Society, permet déjà de mieux comprendre les effets possibles du tabac sur la maladie et précise les axes de recherche supplémentaires qui permettront de préciser la vraie relation entre tabagisme et COVID-19.

 

La plupart des recherches qui portent sur l’effet du tabagisme sur la vulnérabilité à l’infection à SARS-CoV-2, sur le développement d’une forme sévère et de complications de COVID-19, sur la nécessité d’une hospitalisation ou d’une prise en charge en USI et sur le risque de décès, abordent plutôt la question par la relation entre le tabac ou la nicotine, et les fameux récepteurs clés ACE2 situés à la surface des cellules hôtes. Certaines études ont ainsi suggéré que la nicotine interagit avec les ACE2, privant ainsi le virus de points de liaison et d’entrée dans les cellules, d’autres études au contraire ont soutenu que le tabagisme induit une augmentation des niveaux d’ACE2, en particulier dans les tissus pulmonaires, facilitant ainsi le développement de l’infection. Cette équipe revient sur bien d’autres facteurs, associés au tabagisme.

Mieux comprendre le lien entre le tabagisme et le risque de COVID-19

Une relation complexe : dans cette analyse, les auteurs, les Drs Enid Neptune et Michelle N. Eakin, du Service de médecine pulmonaire et de soins intensifs de l’Université Johns Hopkins, reviennent sur les recherches déjà menées et proposent des pistes pour clarifier la relation. Alors que les fumeurs actuels atteints de COVID-19 ont 2 fois plus de risques de mourir à l'hôpital vs les non-fumeurs, les données sur la corrélation entre tabagisme et infection par le SRAS-CoV-2 restent mitigées : « La relation entre le tabagisme et le COVID-19 est complexe, et une grande partie de la recherche à ce jour n'est ni concluante, ni même contradictoire. Des études mieux conçues sont nécessaires ».

 

Bien prendre en compte les facteurs de confusion possibles : alors que la grande majorité des recherches se sont concentrées sur l'ACE2 pulmonaire, la seule expression d’ACE2 comme indice de l'infectiosité et de la morbidité du SRAS-CoV-2 est très problématique. D’autres facteurs doivent être absolument abordés, dont :

  • les lésions des voies respiratoires ou les effets toxiques directs liés à la fumée de tabac, en particulier au niveau des tissus nasaux (épithélium) : le nez est le principal point d'entrée du SRAS-CoV-2 et les effets de la fumée sur le nez devraient être évalués in vitro et sur des modèles précliniques pour évaluer les conséquences concernant l’infection par le SRAS-CoV-2 ;

 

  • le profil inflammatoire qui peut favoriser la pathogenèse virale : le tabagisme pourrait en effet compromettre la réponse inflammatoire du corps aux virus ou contribuer, en raison de l’inflammation qu’il entretient, à une incapacité à réguler ces réponses. Des études ont ainsi déjà démontré que le tabagisme affecte la capacité du corps à répondre à de nombreux virus respiratoires. Des études devraient confirmer cet effet, en ce qui concerne la réponse à SRAS-CoV-2;

 

  • les modifications de la signalisation « SRA » : les protéines du système rénine-angiotensine (SRA)   contrôlent les voies de signalisation intracellulaires qui ont un impact sur la santé pulmonaire. Il existe des preuves que la modification de la signalisation SRA peut protéger contre les lésions pulmonaires causées par le tabagisme dans la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Dans le cas de la MPOC, cette modification de SRA est donc associée à une amélioration des résultats, mais des études devront évaluer si c’est idem en cas de COVID-19;

 

  • la signalisation de la nicotine : certaines recherches ont montré que l'exposition à la nicotine et la signalisation de la nicotine (dans le cerveau) peuvent réduire l'infection et la maladie par le SRAS-CoV-2. Les effets de la nicotine doivent être étudiés, au-delà du tabagisme, notamment enraison de l’utilisation très large des cigarettes électroniques délivrant de la nicotine;

 

  • le stress pendant la pandémie a conduit à un tabagisme accru, mais le confinement a réduit les occasions de fumer. Quelles sont les conséquences pour l’incidence de COVID-19 et pour la prévalence du tabagisme ? L’anosmie et la dysgueusie, ou encore l’hospitalisation pour COVID-19 vont-elles influer sur les taux de tabagisme ?

 

L’article illustre ainsi combien l'impact du tabac sur le développement du COVID-19 est difficile à cerner par des études cliniques et requiert des études in vitro et in vivo chez l’animal. Le virus est encore mal connu et la recherche sur tabagisme et COVID-19 n’en est qu’à ses débuts. La relation ne peut se résumer à celle de la nicotine et des récepteurs ACE2, « il reste encore de nombreuses pistes à suivre ».


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